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« Ce n’est plus une colonisation israélienne, mais un seul État d’apartheid »
Article mis en ligne le 4 août 2019

Lundi 22 juillet, soixante-dix habitations palestiniennes ont été détruites à l’Est de Jérusalem pour des raisons de “sécurité”, créant un dangereux précédent. Entretien avec Jeff Halper, activiste israélien et co-fondateur d’ICAHD, qui lutte depuis 20 ans contre les exactions d’Israël et soutient la solution à un État.

Selon Jeff Halper, anthropologue et activiste israélien, co-fondateur de l’organisation ICAHD, crée en 1997, l’intensification de la colonisation et de l’occupation israélienne a tué la solution à deux États. (...)

Avec de nombreux autres acteurs nationaux et internationaux, notamment des activistes et chercheurs palestiniens, ICAHD est partisan d’une solution à un État. Cela consisterait à démanteler le régime colonial d’apartheid qui a été imposé sur la Palestine historique. Il serait remplacé par un système démocratique qui repose sur une égalité civile complète, où le droit de retour des réfugiés palestiniens serait appliqué et accompagné d’aides et de compensations, dans un système qui reconnaît les crimes commis et entame la réconciliation.

Cette solution n’est, pour l’instant, pas saisie par les représentants politiques palestiniens et israéliens, ni par les puissances internationales ; même si elle a ré émergé ces dernières années. Face à la destruction des soixante-dix habitations à l’est de Jérusalem, l’Europe a déclaré que la politique israélienne de démolition « affaiblit la viabilité de la solution à deux États et les perspectives d’une paix durable ». Du côté israélien, la solution à un État démocratique, supprimerait la suprématie juive sur le territoire. Cela signifierait la fin de l’idée d’un foyer exclusivement juif et du droit d’autodétermination des Juifs. L’avantage démographique serait du côté palestiniens et se ressentirait lors des suffrages.

Au niveau international, malgré les discours pro palestinien en Europe et dans les pays arabes, personne ne semble vouloir se mouiller et repenser le statu quo actuel. La question politique est écartée et laisse place à l’aide humanitaire. Les intérêts économiques et géopolitiques et le droit de veto du Conseil de Sécurité des Nations-Unies bloque toutes propositions d’intervention pour faire appliquer le droit international. (...)

L’élection de Trump instaure un contexte particulièrement défavorable aux Palestiniens. L’Ambassade américaine a été déplacée à Jérusalem, reconnaissant de facto la ville comme capitale “éternelle et indivisible” d’Israël et justifiant l’occupation de Jérusalem-Est. Le plan économique américain arrive après le retrait de plus de 500 millions de dollars d’aides américaine à la Palestine, la fin du financement américain de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens et de nombreuses décisions en faveur d’Israël. Le président américain Trump est persuadé qu’il arrivera à une solution à deux États. (...)

Il y a une manipulation de la peur pour justifier les crimes commis et l’Autorité Palestinienne, l’Europe et l’ONU ont dénoncé ces destructions. Le ministre israélien de la Sécurité Intérieure, des Affaires stratégiques et de l’information, Gilad Erdan, a déclaré que les habitations trop près du mur étaient illégales et constituaient un danger pour l’exercice des forces armées. Pourtant, cette partie du territoire est en zone A, zone exclusivement sous le contrôle de l’Autorité palestinienne. Surtout, le mur est illégal au regard du droit international. Il n’y a pas de fondement juridique à une telle opération, mais un ordre militaire de 2011 qui interdit la construction d’habitations palestiniennes à moins de 250 mètres du mur. Long de plus de 700 kilomètres, si toutes les habitations palestiniennes proches du mur sont sous ordres de démolition, les conséquences seront désastreuses pour les palestiniens. (...)

Une fois leur habitation détruite, les familles sans logements et ayant souvent investi tout leur argent dans la construction, doivent se débrouiller seules. Elles vont le plus souvent habiter avec leurs proches dans des logements en forte promiscuité. (...)

Ce n’est pas une guerre, ni un conflit. Pour qu’il y ait conflit, il faut qu’il y ait deux côtés et qu’il y ait négociation. Or là, il y a une colonisation unilatérale de peuplement, comme les Français en Algérie. Il n’y a pas eu de demande préalable. Des colons sionistes ont conquis le territoire, les palestiniens ont été déplacés et leurs droits bafoués. Aujourd’hui y a une asymétrie de pouvoir, qui empêche de construire des négociations sur un rapport de force équilibré.

“Le pouvoir est du côté israélien et la volonté du gouvernement est de "judéiser" le pays et de le "désarabiser".” (...)

“Ce n’est pas aux Palestiniens de venir reconstruire leurs maisons mais c’est à nous, Israéliens, de nous y opposer et de tenir notre gouvernement responsable.” (...)

Nous travaillons main dans la main avec les Palestiniens. Notre action est non violente, parce qu’au bout du compte, nous devons vivre ici ensemble et la violence nous transforme en ennemis. Utiliser la violence rendrait notre objectif plus difficile à atteindre, cela augmenterait le niveau de haine. Notre approche non-violente est moins philosophique, que tactique. Pour autant, nous nous opposons physiquement aux bulldozers israéliens en occupant les lieux de destruction et en reconstruisant les habitations. Nous documentons les exactions d’Israël et exerçons un plaidoyer international. La situation ne viendra pas de l’intérieur. Il n’y a que très peu d’Israéliens, quelques milliers, qui s’opposent fermement aux exactions d’Israël. C’est pour ça qu’il faut exercer une pression internationale. L’Europe ne finance plus nos projets, car nous sommes politiques. Elle joue contre nous.