
Les laboratoires pharmaceutiques à l’origine des vaccins contre la COVID-19 auraient expressément demandé au réseau social Twitter de réduire au silence les activistes qui appelaient au partage des brevets avec le reste du monde.
L’affaire révélée par le très sérieux média d’investigation américain The Intercept a tout d’un nouveau scandale pour les grandes entreprises de l’industrie pharmaceutique, et accessoirement pour Twitter. À la toute fin de l’année 2020, une lobbyiste travaillant à l’époque pour Twitter Allemagne et spécialisée dans les politiques publiques, Nina Morschhaeuser, fut alertée par le gouvernement d’outre-Rhin et l’entreprise BioNTech au sujet d’une campagne devant viser, sur le réseau social, les Big Pharma développant un vaccin contre la COVID-19. L’affaire est allée loin, Twitter ayant subi des pressions pour faire taire les militants souhaitant le partage des brevets et la vaccination des populations les plus démunies à l’aide de doses génériques.
Une employée de Twitter aurait reçu une demande de censure appuyée par le gouvernement allemand (...)
Tous les moyens sont bons pour contrôler les activistes
Ce qui n’est pas encore tout à fait clair, c’est le rôle exact qu’a eu Twitter et les mesures précises qui ont été prises par l’entreprise californienne pour s’aligner sur la demande de BioNTech, qui dans sa plus stricte interprétation s’apparente tout bonnement à de la censure. BioNTech et le gouvernement prétendaient que cette campagne contre les labos violerait les CGU de Twitter, mais il semblerait que les équipes de sécurité du réseau social n’étaient pas du même avis à l’époque. (...)
En revanche, ce qui est certain, c’est que BioNTech ne s’est pas contentée de demander à Twitter directement de procéder à une modération à sa guise des contenus prônant la levée des brevets. Une organisation à but non lucratif connue sous le nom de Public Good Projects a travaillé en étroite collaboration avec Twitter pour développer des bots pouvant censurer la désinformation sur les vaccins (qu’elle soit futile ou argumentée), et envoyer des demandes directes à la firme de San Francisco, auxquelles étaient jointes des listes de comptes à vérifier et à censurer.
The Intercept a aussi pu mettre la main sur des échanges entre un lobbyiste de Twitter et un responsable de Public Good Projets. La campagne aurait été, accrochez-vous bien, financée par un groupe de pression, appelé BIO, financé par… Moderna et Pfizer, entre autres. Celui-ci était chargé de signaler des contenus sur Twitter, mais aussi sur Facebook et Instagram.
Un lobbying très puissant, qui a aidé à protéger les intérêts colossaux des grands laboratoires pharmaceutiques
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Un lobbying fut aussi mené pour bloquer le soutien à une dérogation spéciale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui était nécessaire à la création d’un médicament générique contre le coronavirus. BioNTech aurait réussi, une fois de plus, à obtenir le soutien du gouvernement allemand pour s’opposer à cette dérogation. Et le soutien ensuite apporté par Joe Biden, par l’Inde et par l’Afrique du Sud n’aura rien changé. L’opposition d’autres pays développés fut plus forte.
Sans grande surprise, les associés Pfizer et BioNTech ont ensuite généré des bénéfices record pour l’industrie pharmaceutique (...)
« Essayer d’étouffer la dissidence numérique pendant une pandémie, alors que les tweets et les e-mails sont parmi les seules formes de protestation disponibles pour ceux qui sont enfermés chez eux, est profondément sinistre », regrette le directeur de Global Justice Now, Nick Dearden. Cette affaire nous montre une fois de plus que les intérêts économiques ont pris le pas sur l’éthique, la morale et la santé de millions d’êtres humains laissés sur le bord de la route.