
L’an dernier à Lima, certaines Parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques ont reconnu l’impact de ces changements sur la sécurité alimentaire mais également l’importance d’admettre leurs conséquences dramatiques sur les populations déjà victimes de la faim. En effet, 600 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de sous-alimentation d’ici à 2080 à cause du changement climatique. En septembre dernier, les Etats se sont engagés à éradiquer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable d’ici 2030 dans le cadre des Objectifs de développement durable.
Nous avons besoin que les Parties restent cohérentes avec leurs engagements et prennent en compte la sécurité alimentaire dans cet accord de Paris qui posera les bases de notre avenir.
En 1992, lors de la rédaction de la Convention sur les changements climatiques, les rédacteurs ont inclus la production alimentaire dans l’article 2 de la CCNUCC. Effectivement, dans les années 90, la question de la sécurité alimentaire et celle de la production de nourriture étaient fortement liées. Mais le monde a évolué et ce n’est plus le cas aujourd’hui : nous produisons assez de nourriture, près de deux fois la quantité qui serait suffisante pour nourrir la planète (4600 calories par personne et par jour alors que nous avons besoin de 2100 calories). Aujourd’hui, la faim dépend principalement de l’accès à une nourriture suffisamment nutritive. Près de 795 millions de personnes souffrent encore de la faim en 2015. (...)
Action contre la Faim soutient l’inclusion de la mention de sécurité alimentaire dans l’Accord de Paris. (...)
Nous assistons à une grande avancée dans le texte publié samedi où la sécurité alimentaire est mentionnée trois fois. Mais nous notons aussi l’introduction de la « production et la distribution alimentaires » dans l’Accord, à la place de la sécurité alimentaire ou en complément.
Nous appelons les ministres à la vigilance : le focus actuel sur la production et la distribution n’est pas une approche crédible pour surmonter l’insécurité alimentaire en diminuant les émissions de gaz à effet de serre. La production et la distribution alimentaires relèvent principalement du commerce et l’agro-business, responsables en grande partie des émissions à de gaz à effet de serre dans le secteur agricole. Leur réduction est urgente et les actions d’atténuation doivent rester une priorité. (...)
Se cantonner à la mention de production alimentaire revient à maintenir un système alimentaire inefficient et polluant au lieu d’assurer la sécurité alimentaire et le droit à l’alimentation.
On ne peut que relever le paradoxe faisant de la production de nourriture un des facteurs clé de la crise environnementale qui menace la sécurité alimentaire. (...)
L’agriculture a changé davantage en deux générations qu’elle ne l’a fait dans les derniers 12 000 ans. A travers le XXe siècle, nos systèmes alimentaires se sont transformés d’une production locale et durable à un système industriel dépendant des énergies fossiles dans une économie globalisée. (...)
Ce système alimentaire agro-industriel et globalisé mène le monde à une crise alimentaire et à un point de non-retour environnemental. Il est inacceptable que les Parties utilisent la sécurité alimentaire comme une excuse pour promouvoir des systèmes de production alimentaire inefficaces et polluants. C’est une question de dignité et de justice climatique.