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CÉSARS, CRÉATION, INDÉPENDANCE ET RADICALITÉ
Article mis en ligne le 27 février 2017

Depuis quelques jours, les débats font rage concernant les Césars : faut-il ou non se réjouir lorsqu’une institution dont le racisme et le sexisme systémiques ne sont plus à prouver (dois-je rappeler qu’il s’en est fallu de peu pour que Polanski soit maître de cérémonie ?) choisit de nominer et récompenser des films réalisés par des femmes racisées ?

Et je réalise que cette question efface bon nombre de débats/enjeux essentiels et complexes qui la compose :

1) Quelles sont les narrations qui ont le droit de cité (comprenez qui peut recevoir des financements institutionnels et pour quels types de récits) ?

En France, peu importe la qualité et la probité du travail final, comme je l’explique depuis maintenant de nombreuses années (voir mes articles : Les minorités doivent exiger plus que la représentation sur scène et Le nerf de la guerre ou la guerre des nerfs, la politique de financement du CNC ), pour les racisé.e.s, hors de la banlieue, de la migration, de la bi/polygamie, du mariage forcé, de la prison et de l’excision, point de salut. Ce qui continue de donner un statut d’exception à Rue Cases-Nègres , le film d’Euzhan Palcy, c’est son caractère de fresque historique, qui sort de la dichotomie banlieue/immigration, même s’il s’agit quand même des « questions noires ». Il est donc vrai que nous ne pourrons parler de révolution et de transformation structurelle que lorsque :

a/ nous aurons accès aux vraies tunes. Perso, je ne veux pas les aides pour la « diversité », je ne fais pas de « films de la diversité », je fais des films et je veux le vrai argent. Mais au-delà des conditions matérielles de production se cache un autre enjeu : celui de notre accès à l’universalité.

b/ QUAND POURRONS-NOUS RECEVOIR DES FINANCEMENTS POUR DES FILMS QUI NE SOIENT NI DES COMÉDIES, NI DES ÉNIÈMES EXPLORATION DE NOTRE ALTÉRITÉ ? QUAND POURRONS-NOUS SIMPLEMENT RACONTER DES HISTOIRES SIMILAIRES À « PARIAH » ; « MOONLIGHT » ; « MO BETTER BLUES » SANS SE RUINER ? À savoir, combien de temps faudra-t-il attendre pour que les institutions des pays dans lesquels nous payons des impôts nous donnent les moyens de réaliser des drames, des films sur la vie, qui se trouvent juste être des vies de personnes racisées. En effet, je suis certaine que ces scénarios sont déjà arrivés jusqu’au CNC et depuis belle lurette, mais un drame familial concernant une famille noire, s’il n’est pas réalisé par Claire Denis, finira à la poubelle car pas assez universel. Par contre, un film sur des filles de banlieue, qui si possible se termine mal, passera au moins la première phase de sélection. Ce tropisme de la représentation tolérable des racisé.e.s doit être adressé et combattu. Mais ce ne sont pas les artistes racisé.e.s qui en sont à l’origine, c’est le pouvoir, les institutions et la marge de manœuvre et la conformation à ces standards par celles et ceux qui n’ont pas les moyens de faire des films « Guerilla » -je développe ce point dans la partie 3)- doivent être pris en compte lorsqu’on les critique. Je remarque en effet que les attaques partent plus vite en direction des racisé.e.s que du CNC et des boites de production, hors c’est là que se prennent les décisions.

2) Ceci nous amène à l’enjeu de la critique des œuvres des racisé.e.s. (...)