
Novartis a trouvé un allié dans la puissante industrie pharmaceutique étasunienne. Celle-ci a obtenu l’intervention d’un membre influent du Sénat contre les génériques anticancer du Glivec.
Le gouvernement suisse était intervenu sans succès en 2015 pour défendre Novartis. Malgré la pression helvétique, le gouvernement colombien décidait le 26 avril dernier de déclarer d’intérêt public l’accès au Glivec, un médicament essentiel contre la leucémie. Ouvrant la voie au retour sur le marché de génériques malgré le brevet détenu par le géant bâlois1. L’Etat réalisait ainsi des économies importantes en matière de santé publique, le coût du Glivec dépassant de cinq fois le prix des médicaments génériques (imatinib). Cela aurait pu être l’épilogue d’une affaire qui tient en haleine la Colombie depuis plus de dix ans (lire ci-dessous).
C’était sans compter sur l’intervention impromptue des Etats-Unis auprès des autorités colombiennes à la fin du mois passé pour bloquer in extremis ce processus. Depuis, silence radio du Ministère de la santé de ce pays d’Amérique latine. Mais que vient donc faire l’oncle Sam dans une affaire qui concerne au premier chef la firme suisse Novartis, détentrice du brevet sur le Glivec ? La réponse se trouve dans une lettre du 28 avril adressée par l’ambassade colombienne à Washington au ministre de la Santé. Après avoir rencontré à sa demande un haut représentant du Sénat étasunien, le diplomate colombien explique : « M. Everett Eisenstatt, chef du service commerce international du Comité des finances du Sénat, a indiqué que l’industrie pharmaceutique des Etats-Unis est très préoccupée car ce cas pourrait constituer un précédent pouvant s’appliquer à n’importe quel produit », écrit Andres Florez, chargé d’affaires pour l’ambassade, qui précise que plusieurs entreprises pharmaceutiques et groupes d’intérêts ont aussi contacté la représentation diplomatique à Washington.
Sénat, pharma, même combat !
Autrement dit, les firmes étasuniennes craignent pour leurs brevets à l’échelle mondiale, source de leurs profits gigantesques2, et n’hésitent pas à monter au créneau. Car le droit international est clair : les accords de l’Organisation mondiale du commerce permettent aux Etats d’autoriser la commercialisation de génériques de médicaments protégés par des brevets lorsque l’intérêt public le justifie. Pourtant, seule une poignée de pays du Sud s’y sont risqués à ce jour, et du bout des lèvres (lire ci-dessous). Car les gouvernements des Etats du Nord, agissant pour le compte de leurs firmes, s’y opposent avec la plus grande fermeté, quitte à menacer de représailles. (...)
On estime à 15 millions de dollars par an les économies réalisées par l’Etat colombien s’il ne prenait plus en charge les surcoûts occasionnés par le brevet du Glivec. A titre de comparaison, Barack Obama a promis en février dernier 450 millions de dollars pour soutenir le processus de paix en Colombie... Mais les enjeux de santé publique peuvent aussi peser dans la balance. Les organisations de la société civile colombienne ne désarment pas.