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le courrier des balkans
Bosnie-Herzégovine : la révolte du désespoir et le début d’un nouveau « printemps »
Article mis en ligne le 10 février 2014

« Tous ensemble ! » Tout est parti de Tuzla mercredi 5 février, mais le mouvement a vite gagné l’ensemble de la Bosnie-Herzégovine. Vendredi, Zenica, Sarajevo et Mostar étaient en feu. Dans cette ville, les manifestants ont incendié les sièges du HDZ et du SDA, les deux partis nationalistes. Parmi les manifestants, les divisions ethniques sont en effet oubliées.

Ces manifestations marquent le début d’un réveil des consciences pour l’ensemble de la population, sans connotation ethnique. La plus grande crainte des autorités est en effet qu’un jour, tous les citoyens du pays s’unissent pour agir en commun et mettent en péril vingt ans de discours nationalistes qui ont permis à la classe politique de se maintenir au pouvoir.

Le gouvernement a beau prétendre qu’ils seraient manipulés, les manifestants assurent que c’est uniquement la situation désespérée dans laquelle ils se trouvent qui les a poussés à se mobiliser. Ils soulignent que les réactions de jeudi et vendredi sont une réponse du peuple aux arrestations et aux actes de violence excessive perpétrés par la police envers les manifestants, surtout les jeunes.

Le fondateur du groupe Facebook UDAR (« CHOC ») et l’un des initiateurs de la manifestation à Tuzla, Aldin Širanović, arrêté jeudi puis remis en liberté le soir même, a déclaré à sa sortie de détention avoir été agressé par des policiers : « Lorsqu’ils m’ont arrêté, ils m’ont frappé au dos avec leurs matraques et à la tête avec leurs bottes. La police spéciale a utilisé sur moi tous les moyens qu’elle avait à sa disposition ».

Le président du syndicat de l’entreprise Konjuh, Mevludin Trakić, arrêté mercredi alors qu’il était assis et manifestait de manière pacifique au milieu du carrefour qui jouxte le bâtiment du gouvernement du canton de Tuzla, a également commenté les actes perpétrés par la police : « Nous ne faisions pas preuve de résistance envers la police. Nous n’étions pas venus ici pour vandaliser. Depuis quatre ans, nous demandons la reconnaissance de nos droits mais, croyez-moi, hier nous avons été surpris lorsque nous avons été menottés et mis en garde à vue par les forces spéciales. Nous avons été libérés le soir même à 21 h 30 mais avons eu une amende de 300 marks (150 euros), que bien sûr nous ne sommes pas en mesure de payer avec les pauvres 40 marks par mois (20 euros) que nous avons pour vivre. Ces derniers jours, j’ai vu des jeunes d’une quinzaine d’années battus par la police spéciale. La police attaque des gens désarmés, mais s’il le faut, nous pouvons nous armer. Je le redis, nous ne sommes pas venus pour cela, mais si nous y sommes contraints nous le ferons ». (...)

Les manifestants accusent les autorités locales d’avoir permis la banqueroute de plusieurs entreprises publiques suite à leur privatisation entre 2000 et 2008, laissant de nombreuses personnes sans emploi. (...)

Pour la population, les différents partis au pouvoir ne sont pas les seuls responsables. Les syndicats corrompus sont également à blâmer. (...)

Sarajevo est en proie au chaos. Vendredi à 14 h 30, la police a chargé la foule, quelques centaines de personnes rassemblées entre Skenderija et le siège du gouvernement du canton de Sarajevo. Des manifestants ont choisi de sauter dans la Miljacka, le fleuve qui traverse la capitale bosnienne, pour échapper aux matraques de la police. (...)

En ce troisième jour de « révolte de la Bosnie-Herzégovine », les mots d’ordre politiques ont fait leur apparition. Au début, les protestataires demandaient la libération de leurs camarades arrêtés à Tuzla. Aujourd’hui, leurs revendications sont différentes : les Bosniens exigent le respect de leur droit au travail, la fin de la corruption et des bénéfices au seul profit de la classe politique.

« Ça fait des années que j’attends une manifestation comme celle-là », confie un manifestant âgé d’une cinquantaine d’années. Mercredi dernier, la violente répression policière à Tuzla a fait comprendre que la situation avait radicalement changé. Si tout est perdu, la violence est permise afin de donner un exutoire à sa propre frustration. « Grâce à Dieu, ce moment est arrivé », s’exclame Maja, une jeune manifestante. « Enfin un peu de mouvement ! Oui, il y a des violences, mais d’après moi, cela vaut mieux que l’apathie qui plombe le pays. »

Le Bureau du Haut Représentant de l’UE en Bosnie-Herzégovine ne s’est pour l’instant pas prononcé sur ces révoltes et s’est contenté de déclarer que « le droit de manifester et la liberté d’expression sont pour les citoyens des droits fondamentaux qui doivent être exercés de manière pacifique et en conformité avec la loi. »