
L’intensification de la guerre menée par Boko Haram contre les civils plonge dans la peur les habitants du nord-est du Nigeria. L’armée continue de prétendre que les djihadistes sont en fuite, mais cette allégation est complètement fausse et ne réconforte plus personne.
Voici un aperçu de la situation actuelle :
– Il y a eu au moins 83 attentats-suicides menés par des enfants depuis le mois de janvier, soit quatre fois plus que l’an dernier.
– Des quatre voies d’accès à Maiduguri, la principale ville du nord-est du pays, seule la route de Maiduguri-Damaturu-Kano est considérée comme sécuritaire.
– En raison de l’insécurité, les habitants des zones rurales ne peuvent s’aventurer à plus de quatre kilomètres des principales villes dans chacune des zones de gouvernement locales.
– Dans les mosquées de Maiduguri, les fidèles se relaient pour prier. Tandis qu’un groupe prie, l’autre fait le guet pour tenter de prévenir les attentats-suicides.
Le nombre de victimes de la secte islamiste est effrayant. Au cours des deux derniers mois, Boko Haram a mené plusieurs attaques importantes (...)
En juillet, le président intérimaire Yemi Osinbajo a ordonné le déploiement de tous ses chefs militaires à Maiduguri en réaction à l’accélération du rythme des attaques. Mais les violences ont continué.
L’insécurité qui règne dans le nord-est du pays nuit à l’agriculture : on rapporte d’ailleurs de graves pénuries dans certaines zones de la région. Boko Haram a commencé à s’emparer de vivres et de biens dans les communautés de Damboa, Azir, Mungale, ForFor, Multe et Gumsiri, pour n’en nommer que quelques-unes.
L’armée est également accusée de menacer les habitants qui refusent d’évacuer leur village pour aller s’installer dans les camps de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDIP), où ils n’ont accès qu’à très peu de services.
Ceux qui refusent de partir sont parfois victimes des pillages de Boko Haram, mais ils se voient aussi confisquer des biens et des produits agricoles par les militaires sous prétexte qu’ils sont de connivence avec les insurgés.
Les habitants ne sont en sécurité nulle part, même pas à Maiduguri. Au cours des derniers mois, des attentats à la bombe ont eu lieu dans le camp de PDIP de Dalori, à l’Université de Maiduguri et dans un hôpital général. Une importante attaque armée coordonnée a aussi été organisée dans la ville. (...)
Les théories du complot abondent et les travailleurs humanitaires sont souvent impliqués. L’une des allégations les plus courantes est qu’ils fournissent des vivres, du carburant et des drogues à Boko Haram sous le couvert de l’aide humanitaire.
On croit aussi que l’aide distribuée aux plus démunis n’est pas suffisante. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a suspendu les distributions de vivres cette semaine après une émeute dans le camp de PDIP de Gubio, dans l’État de Borno. Les émeutiers ont détruit cinq véhicules appartenant à International Medical Corps. Ils ont dit qu’ils protestaient contre le fait qu’ils n’avaient pas reçu de rations depuis deux mois.
La population se plaint aussi que les organisations d’aide humanitaire n’emploient pas suffisamment de personnel local et que les travailleurs étrangers ne respectent pas les normes et les traditions locales, plutôt conservatrices.
La relation entre les humanitaires et les locaux n’est pas particulièrement harmonieuse. (...)
Briser le climat de méfiance
Le principal problème repose sans doute sur le fait que la population ne fait pas confiance à l’armée pour mettre un terme à l’insécurité.
La théorie du complot la plus tenace est que le haut commandement de l’armée et la classe politique sont à l’origine du conflit, qui dure depuis 8 ans. On les accuse ainsi de perpétuer les violences pour servir leurs propres intérêts au mépris des vies des citoyens nigérians. (..)
Les islamistes semblent assurément tenir le haut du pavé dans la guerre de propagande. (...)
Si l’on pouvait envisager de proclamer un cessez-le-feu et d’entamer des négociations il n’y a pas si longtemps, il semble aujourd’hui peu probable que cela se produise dans un avenir rapproché.
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