Le voyage du président français marque la volonté de Paris d’obtenir des résultats sur des sujets qui fâchent : la guerre en Ukraine et les déséquilibres commerciaux. Mais, malgré les marques d’amitié affichées par Xi Jinping et son homologue français, les désaccords demeurent.
Les apparences sont trompeuses. À l’occasion de la visite de trois jours d’Emmanuel Macron en Chine, qui a débuté mercredi 3 décembre, la réception le lendemain au Palais du peuple de Pékin a été somptueuse. Alors que le président français et son hôte, le numéro un chinois Xi Jinping, empruntaient le tapis rouge, les soldats étaient au garde-à-vous, des petites filles et des petits garçons agitaient de petits drapeaux des deux pays.
Cette ambiance littéralement bon enfant contraste cependant avec les tensions croissantes entre l’Union européenne et Pékin sur la guerre en Ukraine et sur les déséquilibres commerciaux. Ces derniers se sont aggravés en raison de la guerre économique déclenchée par le président états-unien, Donald Trump, contre la Chine. Les deux grandes puissances ont conclu une trêve il y a deux mois, mais les incertitudes demeurent.
Comme toujours lors de tels déplacements, les deux dirigeants ont assisté à la signature de contrats avant de donner une conférence de presse à la chinoise – sans questions de journalistes. Les deux hommes se côtoient depuis 2017. Le chef d’État français s’est rendu à quatre reprises en Chine depuis sa première élection (son précédent voyage remonte à 2023) et Xi, sous le mandat de Macron, a visité deux fois la France. (...)
Emmanuel Macron tient à entretenir la geste gaullienne qui a contribué à façonner le mythe d’une relation exceptionnelle entre les deux pays, membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, depuis que le général de Gaulle a décidé de reconnaître la République populaire de Chine en 1964, montrant son indépendance vis-à-vis de son allié états-unien. (...)
Xi Jinping, qui avait reçu en grande pompe début septembre Vladimir Poutine au grand défilé militaire organisé dans la capitale chinoise pour commémorer les 80 ans de la fin de la Seconde Guerre mondiale, a indiqué que « la Chine soutient tous les efforts pour la paix » et « continuera à jouer un rôle constructif pour une solution à la crise » ukrainienne. Tout en ajoutant : « En même temps, elle s’oppose fermement à toute tentative irresponsable visant à rejeter la faute ou à diffamer qui que ce soit. »
Protectionnisme et terres rares
Parmi les contentieux figurent également les vastes déséquilibres commerciaux entre la Chine et l’Union européenne. Ils ont été aggravés par la guerre commerciale lancée par Donald Trump.
Les biens chinois, comme les voitures électriques, ont trouvé en Europe un débouché naturel, ce qui a convaincu les Vingt-Sept d’imposer de nouveaux droits de douane pour cinq ans. Les États européens ont également été les victimes collatérales de la décision de Pékin de restreindre les exportations de terres rares. Mercredi, l’Union européenne a annoncé sa volonté de financer et d’accélérer la production de terres rares et autres matières premières critiques pour réduire sa dépendance à la Chine. (...)
Jeudi, Xi Jinping a mis en garde, une nouvelle fois, contre la tentation du protectionnisme, alors que la Commission européenne vient d’adopter une nouvelle doctrine en matière de sécurité économique pour tenter de faire face aux surcapacités de la Chine et à ses investissements dans des secteurs considérés comme stratégiques.
« Les chaînes d’approvisionnement de toutes les nations sont étroitement liées, a-t-il dit lors de sa rencontre avec Emmanuel Macron, et une coopération ouverte offre des opportunités de développement. » « Le “découplage et la rupture des chaînes” sont synonymes d’isolement volontaire. Le protectionnisme ne peut résoudre le problème de la restructuration industrielle mondiale ; au contraire, il aggravera l’environnement commercial international », a-t-il averti.
L’Union européenne considère la Chine à la fois comme une partenaire, une concurrente et une rivale systémique, ce qui donne lieu à une diplomatie des plus complexes et à d’inévitables frictions.
Pékin considère cette attitude comme une « contradiction » et un « dilemme », souligne Wang Shuo, professeur à l’université des langues étrangères de Pékin, interrogé par le site Guanchazhe (de l’Institut Chunqiu de recherche stratégique sur le développement de Shanghai). (...)
« Il est nécessaire que la Chine consomme plus et exporte moins, a relevé l’Élysée. Il est nécessaire que les États-Unis produisent plus et consomment et importent moins. Il est nécessaire que les Européens épargnent moins et produisent plus. » Vaste programme, aurait lancé le général de Gaulle.