
"Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts" : voilà comment, en son temps, Isaac Newton résumait la question. On n’a pas fait des masses de progrès depuis, ce qu’illustre aisément Murs, essai de l’Américaine Wendy Brown. D’Israël à la Californie en passant par Chypre et les faubourgs de Padoue, zoom sur cette énième mode des fortifications.
...Si l’humanité enferme et s’enferme avec une frénésie toujours plus marquée, c’est qu’elle a la frousse. Des barbares barbus, des concurrents économiques potentiels, des invasions bronzées ou bridées, des voleurs de poules, des voleurs de femmes, des… des autres. Et plus les murs se multiplient, plus le besoin de nouvelles barrières se fait sentir. « Leur prolifération globale confère aux murs une légitimité grandissante » écrit Wendy Brown. Cercle vicieux que rien ne semble en mesure de briser tant la mentalité d’assiégé a envahi notre psyché occidentale...
Comme le Mur de Berlin, les murs d’aujourd’hui, et tout particulièrement ceux qui sont érigés autour des démocraties, produisent nécessairement des effets intérieurs : leur dehors devient leur dedans. […] Ils encouragent l’avènement d’une société toujours plus fermée et surveillée, en lieu et place de la société ouverte qu’ils prétendent défendre. Les nouveaux murs ne sont pas simplement inefficaces et impuissants à ressusciter une souveraineté étatique fragilisée, ils engendrent aussi, dans une ère post-nationale, de nouvelles formes de xénophobie et de repli sur soi.
« C’est l’affaiblissement de la souveraineté étatique, et plus précisément, la disjonction entre la souveraineté et l’État-nation, qui a poussé les États à bâtir frénétiquement des murs. »
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