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La conviction qui nous anime en prenant aujourd’hui la parole, c’est que plutôt que de se taire par peur d’ajouter des polémiques à la confusion, le devoir des milieux universitaires et académiques est de rendre à nouveau possible la discussion scientifique et de la publier dans l’espace public, seule voie pour retisser un lien de confiance entre le savoir et les citoyens, lui-même indispensable à la survie de nos démocraties. La stratégie de l’omerta n’est pas la bonne. Notre conviction est au contraire que le sort de la démocratie dépendra très largement des forces de résistance du monde savant et de sa capacité à se faire entendre dans les débats politiques cruciaux qui vont devoir se mener, dans les mois et les années qui viennent, autour de la santé et de l’avenir du vivant.
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« Nous savions tout cela. Et pourtant, paresseusement, lâchement, nous avons laissé faire. Nous avons craint le heurt de la foule, les sarcasmes de nos amis, l’incompréhensif mépris de nos maîtres. Nous n’avons pas osé être, sur la place publique, la voix qui crie, d’abord dans le désert, mais du moins quel que soit le succès final, peut toujours se rendre la justice d ’avoir crié sa foi. Nous avons préféré nous confiner dans la craintive quiétude de nos ateliers. »
La critique du Lancet ne cible pas seulement l’ultralibéralisme de Trump, qui a fait le choix de laisser faire le virus. Elle invalide aussi la stratégie inverse de « blocage » qui a prévalu dans de nombreux pays, visant la population par une politique répressive inédite, tout en continuant à désarmer le système sanitaire et à abandonner les déserts médicaux (ruraux et urbains) dans lesquels se concentrent les populations qui affluent aujourd’hui aux urgences.
Ce qui vaut pour l’aval de la crise sanitaire, aggravée par l’industrialisation des modes de vie, semble valoir aussi pour l’amont de l’épidémie, vraisemblablement déclenchée par une nouvelle zoonose, une « maladie émergente » d’origine animale, liée au franchissement des « barrières d’espèces » profondément fragilisées par les atteintes à l’environnement. L’industrialisation des élevages, couplée à l’accélération des échanges à l’échelle mondiale et à la dégradation de la santé des populations dans les pays industrialisés, produit ainsi toutes les conditions pour que le même type d’épidémie se reproduise régulièrement… (...)