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Alerte – Augmentation du nombre de décès en mer, des navires d’ONG détenus Déclaration conjointe de 60 organisations
#migrants #mediterranee #naufrages #frontex
Article mis en ligne le 4 septembre 2023

Les États membres de l’Union européenne doivent immédiatement cesser d’entraver les efforts civils de recherche et de sauvetage en mer Méditerranée centrale.

Jusqu’à 600 personnes ont perdu la vie au large des côtes grecques en juin 2023, dans un nouveau naufrage qui aurait pu être évité. En tant que société civile, nous sommes dévasté⋅es par les morts en mer Méditerranée centrale, dont le nombre grandit année après année. Alors que chaque navire de sauvetage est urgemment nécessaire pour prévenir les pertes croissantes de vies sur la route migratoire la plus meurtrière au monde, les États membres de l’UE – et plus particulièrement l’Italie – obstruent sciemment les efforts des acteurs civils en matière de recherche et sauvetage.

Actuellement Aurora, Open Arms et Sea-Eye 4, trois navires civils professionnels de sauvetage en mer sont empêchés d’opérer en Méditerranée centrale. Les trois ordres de détention, émis en moins de 48 heures, s’ajoutent aux nombreux cas d’obstruction administrative auxquels les ONG de sauvetage en mer ont été confrontés cette année. Depuis le début de l’année 2023, il y a eu huit cas d’immobilisation de navires d’ONG par l’Italie. Les navires civils professionnels de sauvetage en mer, Aurora, Geo Barents, Louise Michel, Mare*Go et Sea-Eye 4, ont été entravées sur la base de réglementations illégitimes, chacun pendant 20 jours. Le 21 août, le navire de sauvetage Aurora a été détenu une deuxième fois pour 20 jours, suivi du navire Open Arms qui était détenu un jour après. Le temps perdu de ces 140 jours aurait pu être utilisé pour des opérations de sauvetage et ainsi pour prévenir les naufrages qui se produisent chaque jour dans la Méditerranée centrale.

Le harcèlement administratif est basé sur une loi récente adoptée par l’Italie [1], laquelle accroît les exigences imposées aux navires des ONG menant des activités de recherche et de sauvetage et introduit des sanctions en cas de non-respect de ces exigences. Ces nouvelles mesures s’inscrivent dans une longue tradition de criminalisation et d’obstruction des activités civiles de recherche et de sauvetage en Italie. En vertu de la loi, les autorités italiennes ordonnent aux navires de sauvetage civils de se diriger vers un port assigné immédiatement après un sauvetage – même dans des situations où il y a encore des bateaux en détresse à proximité du navire de l’ONG. Cela signifie que cette nouvelle législation fait pression sur les capitaines de la flotte civile pour qu’ils désobéissent au droit maritime international et au devoir de sauvetage. Les autorités italiennes obstruent ainsi des opérations de sauvetage, ce qui est contraire à l’obligation légale internationale de sauvetage.

La loi est aggravée par la pratique du gouvernement italien des « ports éloignés », qui oblige les navires des ONG à débarquer les personnes secourues dans des ports situés jusqu’à 1600 km et 5 jours de navigation du lieu du sauvetage. Selon le droit international, le débarquement des personnes en détresse sauvées en mer dans un lieu sûr doit avoir lieu « dans les meilleurs délais raisonnablement possibles », et que les capitaines de navires « s’écartent le moins possible de la route prévue », le temps que les survivant⋅es passent à bord devant être réduit au minimum [2]. Cependant, depuis décembre 2022, les autorités italiennes ont assigné un port inutilement distant aux navires des ONG dans plus de 60 cas. En outre, les autorités italiennes ont récemment demandé à plusieurs reprises aux navires des ONG de demander un lieu sûr en Tunisie pour les personnes secourues en mer. En raison de son manque important de protection envers les demandeurs d’asile et face à la recrudescence de violence à l’encontre des populations migrantes, la Tunisie ne peut être considérée comme un lieu sûr. Le débarquement de personnes secourues en mer sur ses côtes pourrait constituer une violation du droit international.

Le non-respect des ordres illégitimes des autorités italiennes a déjà entraîné des amendes allant jusqu’à 10 000 euros pour les ONG et la détention pendant 20 jours de six navires de sauvetage. Non seulement toutes les ONG qui effectuent des opérations de recherche et de sauvetage en mer risquent désormais de se voir infliger d’autres amendes et détentions, mais la loi prévoit également la saisie du navire, ce qui entraînerait l’arrêt définitif de leurs opérations.

L’immobilisation et la possible saisie des navires des ONG, ainsi que l’assignation de ports éloignés, limitent les navires de sauvetage dans leurs opérations de sauvetage. Suite aux restrictions imposées par le gouvernement grec aux ONG de recherche et de sauvetage en septembre 2021, nous savons, depuis, que les obstructions croissantes que nous connaissons actuellement en Italie finiront par réduire le nombre de navires de sauvetage civils et, par conséquent, par accroître les pertes de vies humaines en Méditerranée.

En tant qu’organisations non gouvernementales, associations et initiatives qui défendent l’accès à la protection et le respect des droits fondamentaux des personnes en exil, nous sommes témoins de la politique mortelle de repli sur soi et de dissuasion de l’UE. Cette politique n’a pas pour effet de réduire le nombre de personnes qui tentent de traverser, mais plutôt d’accroître les souffrances et les décès. Alors que l’Italie – soutenue par la majorité silencieuse d’États membres de l’UE – mettait en place ces mesures restrictives, le nombre de naufrages mortels a augmenté considérablement, faisant de l’année 2023 l’une des plus meurtrières de ces dernières décennies. La fréquence des naufrages, en augmentation, rend encore plus évidente l’urgence de disposer de moyens de recherche et de sauvetage supplémentaires.

Nous lançons donc un appel urgent à l’UE et à ses États membres : si les entraves à l’aide humanitaire en mer se poursuivent, d’ici la fin de l’année, nous pourrions assister à une diminution drastique, voire à l’absence, de la présence de navires de sauvetage civils en mer. Les conséquences seront d’autant plus meurtrières que la restriction importante des opérations civiles de sauvetage en mer n’empêchera pas les personnes de tenter la traversée. Nous demandons donc à l’UE et à ses États membres d’agir de toute urgence et de mettre fin au blocus illégitime des navires de sauvetage civils en Italie. Tous les navires de sauvetage en mer civils doivent être libérés immédiatement et toutes les amendes basées sur la loi doivent être annulées. La loi italienne limitant les activités de recherche et de sauvetage des ONG en Méditerranée centrale doit être abrogée immédiatement et, à la place, le droit maritime international et les droits de l’Homme applicables doivent servir de fondement pour tou·tes les acteurs et actrices en mer. La Commission européenne doit s’opposer à l’empiétement grandissant de ses États membres sur les principes fondamentaux de l’État de droit aux frontières extérieures de l’UE. En outre, les États membres de l’UE doivent créer des voies sûres et légales, pour empêcher que des personnes ne soient forcées de monter sur des embarcations de fortune, à la recherche de sécurité.

28 août 2023