
Frappés par la chute du pétrole, les chefs d’États de la Communauté économique et monétaire des États d’Afrique centrale (CEMAC) ont exclu une dévaluation du franc CFA. Ils ont décidé de faire appel au FMI.
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n cette deuxième moitié de la décennie, dans une Afrique pourtant encore considérée comme « bien partie » |3| la réalité s’avère différente dans la CEMAC : tous les États sont confrontés à une croissance des tensions budgétaires, voire un marasme économique. C’est ainsi que, alors que quelques mois auparavant le ministre gabonais de l’Économie, Régis Immongault, affirmait de façon assez péremptoire : « en ce qui concerne l’idée d’un programme d’ajustement structurel, pour l’instant ce n’est pas envisageable pour le gouvernement », la présidence du Cameroun a annoncé, l’avant-veille d’un sommet extraordinaire des chefs d’État de la CEMAC convoqué à Yaoundé le 23 décembre 2016, la nécessité d’un « ajustement vigoureux et structuré » |4| des économies de la sous-région, confirmé comme « ajustement structurel et vigoureux » |5| à l’issue de la rencontre. Retour à l’ajustement structurel néolibéral, à la nocivité sociale consubstantielle, comme le prouve déjà la « recette de l’anticipation » |6| que subissent les classes populaires au Tchad, depuis fin août 2016 et qui pourrait révéler, à celles/ceux qui gobaient le discours de célébration de la croissance des PIB africains, la nature de celle-ci.
Le 23 décembre s’est tenu à Yaoundé, sur convocation du président en exercice de la CEMAC, le chef de l’État camerounais, Paul Biya, un sommet extraordinaire des chefs d’État de la CEMAC, dont la photo qui semble officielle représente les six chefs d’État encadrés d’un côté par le ministre français de l’Économie et des Finances, Michel Sapin, de l’autre par la directrice du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde. Disposition protocolaire, sans doute, mais qui exprime d’une certaine façon la situation de ces États : une fondamentale hétéronomie économique, une tutelle quasi permanente de l’ancienne métropole coloniale, la France – exception faite pour la Guinée équatoriale, ancienne colonie espagnole – et des institutions financières internationales. Un sommet extraordinaire qui « avait pour objectif d’examiner la situation économique et monétaire dans la zone CEMAC et d’adopter des mesures appropriées visant à juguler les effets néfastes du double choc pétrolier et sécuritaire, sur les économies de la sous-région » (Communiqué final du Sommet).
Car quatre de ces six États sont principalement dépendants de la rente des hydrocarbures. À la veille de la baisse brutale du prix du baril du pétrole la situation se présentait ainsi (...)
Des facteurs de la crise actuelle relevant en grande partie de leur insertion dans l’économie capitaliste mondiale (l’exportation des matières premières, principalement de l’extractivisme), auxquelles s’ajoute la kleptomanie incurable des classes gouvernantes, avec leur lot de capitalistes subordonnant la gestion de l’État principalement à leurs intérêts individuels et clientélaires, avec un degré d’irrationalité inapte à résoudre les problèmes qui en résultent. Ainsi, pour les plus difficiles, le recours à l’expertise néocoloniale internationale, en général celle des institutions de Bretton Woods, s’avère inévitable.(...)
Au Congo, vient d’être effectué un recensement des fonctionnaires – il existerait des « fantômes » percevant un salaire – dans la perspective d’une réduction de la masse salariale, considérée comme inévitable en ajustement structurel. Mais sera-ce suffisant ? L’échéance des élections législatives dans les prochains mois ne rend pas propice l’annonce de mesures de baisse des salaires, de gel des effets financiers des avancements, etc. Le programme de distribution gratuite des antirétroviraux qui devrait désormais être financé par l’État est à l’arrêt.
Au Gabon, où un mois de salaire a été payé avec retard entre les élections et le Sommet de Yaoundé, le Premier ministre a annoncé, quelques jours avant le démarrage de la Coupe d’Afrique des Nations de football, qu’il ne sera pas procédé à la baisse des salaires, mais sans avoir convaincu celles et ceux qui sont déjà mobilisés, ne voulant pas payer la facture à la place de celles et ceux qui ont vénalement profité de la soi-disant croissance.
Luttes sociales
En effet, le Sommet de Yaoundé s’est tenu au cours d’un deuxième semestre 2016 assez mouvementé dans la sous-région. En dehors de la Centrafrique, où se manifeste encore sporadiquement la violence commencée en 2013, de la Guinée équatoriale, où pour développer son « holding, Abayak » et ses « parts dans tous les secteurs économiques » |28|, l’autocrate a pu se faire réélire, en avril, à 97 %, sans susciter une mobilisation populaire, grâce à son dispositif répressif dissuasif |29|, et du Congo, où la contestation a pris fin avec la situation militaire confuse et meurtrière qui a commencé à Brazzaville et s’est installée depuis dans le département du Pool voisin |30|, les trois autres pays de la sous-région sont entrés dans la nouvelle année sous le signe de la mobilisation populaire. (...)