
En contradiction avec une politique plutôt écolo, la municipalité de Forcalquier, fief de Christophe Castaner, défend le déclassement de terres agricoles pour agrandir un Intermarché. L’opposition locale se mobilise
(...) Forcalquier s’affiche en paradis provençal. À l’écart des grands axes, son centre-ville se montre pourtant d’un dynamisme que n’ont pas les autres bourgs du département. En témoigne, l’imposant marché du lundi, réputé dans toute la région et la diversité des commerces. En périphérie, la municipalité défend l’agriculture locale. Depuis 2015, elle est partenaire de Terre de Liens, une association qui œuvre pour la préservation du foncier agricole. La convention inclut un engagement moral pour « la protection de l’environnement en assurant la promotion de l’agriculture biologique ». Dans le cadre du nouveau projet de plan local d’urbanisme (PLU) qui sera mis aux voix du conseil municipal ce jeudi 14 décembre, la part de terres laissées à la nature et à l’agriculture est plus importante qu’initialement prévu : « 3.920 hectares dans le PLU de 2007, contre 4.043 en 2017 », précise Alexandre Jean, adjoint aux finances et à la communication.
« Imperméabilisation des sols » et « recours à la voiture »
Mais, depuis quelques semaines, l’inquiétude a repris chez des commerçants et des habitants à propos d’un projet de déménagement et d’extension de l’Intermarché. Un serpent de mer, qui date du premier mandat de Christophne Castaner (celui-ci est son troisième). Un temps attendu sur une parcelle proche du centre-ville, le supermarché restera finalement sur la zone artisanale des Chalus, en entrée de ville. Pour ce faire, le PLU de 2013 prévoyait le déclassement de 2 hectares de terres agricoles attenantes. En 2015, l’Union des commerçants et artisans de Forcalquier (Ucaf) parvient à faire casser le PLU de 2013 par la justice administrative. En sus, la Commission nationale d’aménagement commercial (Cnac) rend un avis défavorable au projet d’Intermarché. Selon ses termes, le projet engendrerait : une « imperméabilisation importante des sols », une consommation non économe de l’espace, un « recours à la voiture » pour la clientèle et une non-contribution « à l’animation de la vie urbaine ». Le tout en considérant « que l’insertion du projet dans un environnement rural et montagnard ne sera pas satisfaisante ». (...)
Membre de l’Ucaf, Sylvain Roman cite à l’envie Comment la France a tué ses villes : ce livre d’Olivier Razemon analyse l’extinction du commerce et de l’activité des villes moyennes à cause de l’extension des zones commerciales en périphérie. (...)
Depuis une dizaine de jours, le collectif Singularité Forcalquier s’est constitué pour que le village, « ne ressemble pas aux trop nombreuses communes françaises avec un centre-ville déserté et des entrées de ville défigurées par les hangars des grandes enseignes commerciales », affirme son manifeste. Il souhaite que le vote sur le PLU soit suspendu et qu’un débat spécifique sur la question du supermarché soit ouvert avec la population. (...)
Croire en Forcalquier est l’autre association historique mobilisée sur ce dossier comme sur tant d’autres concernant « la mauvaise gestion de la ville », affirme Richard Danaüs. Pour tenter de répondre à la communication des opposants, la municipalité s’est fendue d’une lettre aux habitants en date du 1er décembre. Elle y affirme que le projet de PLU « augmente de 24 hectares les zones agricoles et naturelles ». « 24 hectares de bois au sommet de la montagne qui ne sont même pas bons pour les biques. En face, ce sont 2 hectares agricoles déclassés pour un privé. À qui profite le crime ? » cingle Richard Danaüs. (...)
Ce mardi 12 décembre, Singularité Forcalquier remettra en mairie les 500 signatures de citoyens portées sur leur manifeste. L’initiative est soutenue par l’Ucaf, Croire en Forcalquier et par le groupe local de la France insoumise (FI). L’affaire est loin d’être terminée puisque la procédure de révision du PLU, si elle est actée par le conseil municipal, entraînera une enquête publique en 2018. Difficile de comprendre la cohérence et l’attachement de la municipalité à ce projet. Et s’il fallait chercher dans les pratiques politiques de l’ancien maire, Christophe Castaner ?
« On ne peut pas être d’un côté de gauche et écolo et libéral quant il s’agit de favoriser la grande distribution », juge Léo Walter (FI), qui a affronté le chouchou de Macron aux législatives. (...)
LE PARADOXAL « PLAN DE REVITALISATION DES CENTRES-VILLES » DU GOUVERNEMENT
Hasard du calendrier, le vote au conseil municipal de Forcalquier (jeudi 12 décembre) se fera au même moment de l’annonce par le gouvernement d’un plan de revitalisation des centres-villes. N’étant pas à un paradoxe près, le gouvernement s’apprête à défendre la possibilité de supprimer l’obligation de faire valider l’installation de commerces de plus de 1.000 mètres carrés par la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC).