
Solidarité et tristesse : il ne reste plus que six exilés détenus au Centre de Rétention Administrative de Bordeaux. Cinq en ont été extraits pour être expulsés vers l’Italie, sans considération pour leur désir de demander l’asile en France.
Solidarité et indignation : ces jeunes hommes dignes et courageux n’ont pas mérité un tel mépris de leur liberté humaine. L’Administration française dispose d’eux, ils n’ont pas de choix. Et en Italie ils se retrouvent à la rue, avec le conseil de retourner en France...

Solidarité, tristesse et indignation : Le collectif de soutien est représenté par les personnes présentes - aujourd’hui sous la pluie - devant l’Hôtel de Police qui abrite dans ses sous-sols le Centre de Rétention Administrative. Là où sont saisis, enfermés puis expulsés ceux pour qui nous sommes mobilisés.



Laurence nous demande de prendre en compte que pour nos amis, c’est le Ramadan en ce moment : un jeûne, et une fête comparable à ce que Noël représente dans notre culture. Le soir, au moment de la rupture du jeûne, ils devraient pouvoir faire un repas festif... avec le peu de moyens, ou - pour ceux qui sont enfermés au CRA - l’absence de moyens dont ils disposent, c’est impossible.
C’est pourquoi Laurence nous suggère d’apporter des dattes et autres douceurs : puisque notre prochain rendez-vous devant l’Hôtel de Police est prévu dans deux jours. Et aussi : si vous avez un téléphone portable ancien modèle, sans appareil photo, ça rendrait grand service aux hôtes du CRA : on leur a confisqué leur téléphone (avec appareil photo) ne leur laissant que la puce. Ils se débrouillent pour l’instant avec un seul téléphone que leurs soutiens leur ont déniché. Rien n’est plus vital pour eux que le contact téléphonique avec leurs familles, leurs proches et leurs soutiens.

Nous sommes bien plus nombreux qu’il n’y paraît : nous emmenons avec nous les nombreux signataires de la lettre que nous avons remise au Préfet de la Gironde, Pierre Dartout.
(1086 soutiens individuels à ce jour de la pétition en ligne
et les associations : RESF 33 - ASTI Bordeaux - La Cimade - Association ARTS (Accueil Réfugiés Talence Solidarité) -AC !Gironde – EELV Aquitaine – UJFP Aquitaine – Ensemble ! Gironde – FSU33 – Médecins du Monde - Délégation Aquitaine – Rénovation – AREVE – Mouvement des Bénévoles du CAO de Mérignac – Collectif Egalités des Droits Rive droite – Syrie Démocratie 33 – LDH 33)

Gérard rappelle les mobilisations en cours et prévisions pour celles à venir : nous ne sommes pas seuls, un peu partout en France les citoyens agissent avec autant de détermination pour la même indiscutable cause.
Aujourd’hui notamment :
– Lettre ouverte au le Préfet des Alpes-Maritimes
– Lettre ouverte de la Cimade au président de la République

Après les rassemblements du 19 mai devant la Préfecture, du 24 mai devant l’Hôtel de Police, celui d’aujourd’hui - et la conférence de presse de cet après-midi à 14h ;
après notre lettre au Préfet de la Gironde ; après le Cercle de Silence d’hier place Pey-Berland,
Nous en appelons maintenant au Président de la République. La lettre, signée par les associations, va lui être adressée très prochainement.

Maître Blet, sans qui les exilés et nous, serions en errance dans les labyrinthes juridiques, fait remarquablement le point sur la situation.
Les citoyens ont reçu avec coeur et efficacité les exilés envoyés dans les CAO un peu partout en France. A Talence il a fallu, pour commencer, affronter une haineuse campagne du Front National. Tous les résidents des CAO avaient entendu que leur situation seraient prises en considération... Et maintenant, c’est l’incompréhension devant l’implacable machine administrative qui suit son cours jusqu’au bout.
Il souligne notamment la marge de liberté d’action du Préfet, qui rend d’autant plus inadmissible une application systématique du règlement de Dublin III.
Le Président de la République, surtout en ce début de quinquennat, pourrait très bien faire cesser ces renvois vers des pays européens déjà débordés, dans l’incapacité pourtant connue de recevoir correctement ceux dont l’Administration française se débarrasse sans égards.
Il faudra rendre des comptes un jour sur ces manquements à la simple humanité.

André lit, à notre demande, comme le 24 mai, ce très beau texte :
« Sans la solidarité de délinquants, nous ne serions pas là ! »
L’heure est à la renaissance d’un délit de solidarité. Dans la vallée de la Roya, à Calais, à Paris, à Norrent-Fontes, à Boulogne, à Loos, à Perpignan, à St-Etienne, à Meaux... des militants et des citoyens qui ont manifesté concrètement leur solidarité désintéressée aux réfugiés ou aux Roms, sont intimidés, menacés, poursuivis par les Autorités.
Nous soussigné, enfants juifs cachés pendant la Seconde guerre mondiale pour échapper à la déportation, déclarons solennellement : si nous sommes en vie, c’est parce que des délinquants solidaires ont désobéi, nous ont cachés, nous ont nourris, en dépit des lois de Vichy et de l’occupant. Ils ont ouvert leur porte, falsifié notre identité, ils se sont tus ignorant les injonctions de la police et de l’administration, ils ont emprunté des chemins de traverse face à la persécution…
Leur solidarité est aujourd’hui reconnue publiquement. Nous leur sommes reconnaissants, comme nous le sommes au courage de nos parents qui ont fait le dur choix de se séparer de nous et de transformer leurs enfants en « mineurs isolés ».
Mais ce devoir de solidarité s’applique aussi aujourd’hui et nous réclamons la fin de ces procédés d’intimidation. Nous proclamons la légitimité du droit de regard des citoyens et des citoyennes sur les pratiques de l’administration, de la justice ou de la police. Nous sommes solidaires avec celles et ceux qui se montrent solidaires des personnes en situation de précarité sans se soucier de savoir si elles sont ou non en situation régulière quant au séjour. Nous passons le flambeau de la solidarité aux lanceurs d’alerte, aux citoyens critiques des politiques xénophobes, aux solidaires du quotidien.
André a ajouté : "On hésite toujours à évoquer les génocides de la deuxième guerre mondiale, car les événements ne sont jamais identiques.
Nous le faisons là car dans les deux cas il s’agit de crimes de bureau. On sait que les détenus au CRA ne vont pas en repartir dans des wagons à bestiaux de la gare Saint-Jean, plus probablement en avion. Mais les autorités ne peuvent ignorer que s’ils sont renvoyés dans leurs pays, ces détenus sont souvent promis à la mort. A de tels ordres il faut parfois désobéir. Nous serons solidaires."

M. a la chance, étant passé par le CAO de Talence, via Calais, d’avoir pu demander et obtenir le statut de réfugié. Il témoigne de l’importance du soutien reçu de la part de l’association ARTS (Accueil Réfugiés Talence Solidarité). Il est très préoccupé par le sort de ses quasi cousins, condamnés à renouer avec l’errance. En contact téléphonique avec eux, il nous presse de continuer à intervenir en leur faveur. Moment d’émotion intense : il chante pour eux : solidarité et foi en l’humain.

Naïma assure la traduction

N., du CAO de Mérignac, a reçu une convocation à la Préfecture pour le 19 juin. il ne se fait pas d’illusions sur ce qui l’attend. Depuis sa petite enfance, né dans un pays ravagé par la guerre, il n’a connu que la fuite et l’errance. Après la traversée du désert - au sens propre - et celle de la Méditerranée de tous les dangers, il avait pu se poser et se retrouver, entouré par les soutiens de Mérignac et notamment de Laurence avec qui il a noué une relation chaleureuse. Devant lui maintenant : dix-neuf jours d’angoisse avant d’être à nouveau condamné à errer.
Il faut avoir à l’esprit le rapport d’Amnesty International de novembre 2016, après enquête détaillée en Italie : les conditions dans lesquelles fréquemment les empreintes ont été enregistrées lors du débarquement d’exilés dans ce pays y sont dénoncées car particulièrement contraignantes et violentes. il est donc d’autant plus inadmissible d’appliquer aveuglément le fameux accord européen dit "Dublin III". En ne voulant pas savoir. Ou en faisant semblant de ne pas savoir.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ?
Et leurs actions, au loin, les suivent.

Prochain rendez-vous vendredi 2 juin devant l’Hôtel de Police à 17h30
Rendez-vous en suivant du collectif de soutien pour organiser la suite de la mobilisation.