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2007-2018 : Les causes d’une crise financière qui a déjà plus de 11 ans
Article mis en ligne le 22 août 2018
dernière modification le 21 août 2018

À partir de février-mars 2007, aux États-Unis, commencent les premières faillites de sociétés financières spécialisées dans le crédit hypothécaire. Les racines de la crise internationale qui a débuté aux États-Unis en 2007-2008 remontent aux années 1990. Parmi les facteurs décisifs : l’augmentation massive des dettes privées ainsi que la politique des autorités de Washington qui ont favorisé, pour des raisons économiques et politiques, le développement d’une bulle spéculative dans l’immobilier.

Sommaire

  • Augmentation de la dette globale mondiale
  • Quelle interprétation de la crise ?
  • Le coût public du sauvetage des banques

Au cours des deux dernières décennies, les administrations de Bill Clinton et de George W. Bush ont appuyé systématiquement les grandes banques dans leur volonté de se débarrasser définitivement des contraintes qui pesaient encore sur elles comme héritage des mesures de la discipline bancaire imposée par F.D. Roosevelt dans les années 1930. À noter qu’au cours de ses deux mandats, Barack Obama n’a pas pris des mesures fortes pour remettre de l’ordre dans les activités des sociétés financières. Au pouvoir depuis début 2017, Donald Trump a commencé à démanteler les quelques contraintes imposées aux banques depuis le début de la crise, notamment la loi Dodd-Franck, et compte aller plus loin afin de favoriser encore plus le secteur financier.

L’éclatement de la bulle spéculative immobilière a été le détonateur de la crise. Les politiques d’austérité ont ensuite fini de plonger l’économie des pays les plus industrialisés dans une période récessive-dépressive prolongée, suivie d’une période de croissance très faible dans laquelle est toujours plongée l’économie des pays les plus industrialisés. Par ailleurs, les politiques appliquées, depuis 2007-2008, par les banques centrales pour favoriser une fois de plus le grand capital ont généré de nouvelles bulles (bulle boursière et bulle du marché obligataire) qui finiront tôt ou tard par éclater.

Augmentation de la dette globale mondiale
Dans plusieurs pays, avant l’éclatement de la crise en 2007, la dette publique représentait moins d’un sixième des dettes totales, et moins d’un cinquième des dettes privées. Après 2007, l’augmentation de la dette publique est forte et brutale, conséquence de la crise et du sauvetage des banques par les pouvoirs publics.

Selon une étude publiée en mars 2017, par le service d’étude de l’Union des Banques Suisses, la dette globale mondiale a augmenté de 55 % entre 2002 et 2008. Deux tiers de cette augmentation étaient dus à la croissance de l’endettement des banques. Entre 2008 et 2017, la dette globale a encore augmenté de 51 %. Mais depuis 2008, les banques (surtout aux États-Unis) ont un peu réduit leurs dettes tandis que les États qui leur sont venus en aide ont vu exploser leur endettement (...)

les administrations de Bill Clinton et de George W. Bush ont appuyé systématiquement les grandes banques dans leur volonté de se débarrasser définitivement des contraintes qui pesaient encore sur elles comme héritage des mesures de la discipline bancaire imposée par Roosevelt dans les années 1930.

Le détonateur de la crise est venu de la bulle spéculative qui avant d’éclater avait gonflé le prix de l’immobilier |4| et engendré une augmentation démesurée du secteur de la construction par rapport à la demande solvable. La quantité de nouveaux logements proposés chaque année aux États-Unis est passée de 1,5 million en 2000 à 2,3 millions en janvier 2006. Une proportion croissante de nouveaux logements n’a plus trouvé d’acquéreurs malgré les facilités de crédit accordées aux ménages par les banques et malgré les encouragements des autorités américaines.

Cette surproduction a fini par provoquer une chute brutale du prix de l’immobilier. Les prévisions des ménages qui avaient souscrit des crédits hypothécaires subprimes |5| ont été bouleversées par ce changement radical de circonstances. En effet, aux États-Unis, les ménages ont la possibilité et la coutume, quand les prix de l’immobilier sont à la hausse, de renégocier au bout de 2 ou 3 ans sur base d’une hypothèque qui a gagné de la valeur leur contrat de prêt initial afin d’obtenir des termes plus favorables, des taux plus avantageux. Notons que dans le secteur des prêts subprimes, le taux des deux ou trois premières années était faible et fixe, autour de 3 %, alors que la troisième ou quatrième année, non seulement le taux augmentait de manière conséquente (passant à 8 ou 10 %), mais il devenait également variable et pouvait, dans de nombreux cas, atteindre facilement 14 ou 15 %.

À partir de 2006, lorsque les prix de l’immobilier ont commencé à baisser, les ménages qui avaient eu recours aux prêts subprimes n’ont plus été en mesure de renégocier favorablement leur crédit hypothécaire afin d’en améliorer les termes.

Comme le déclare Paul Jorion dans La crise du capitalisme américain, les crédits au secteur subprime visaient « en réalité à délester de leurs économies les malheureux qui cherchent à souscrire au ‘rêve’ sans disposer en réalité des moyens financiers d’y accéder, au premier rang desquels la population noire et celle originaire d’Amérique latine. Les combines sont ici nombreuses, allant des contrats aux conditions écrites différentes de celles de l’accord verbal, jusqu’aux offres qui visent simplement à acculer le candidat à la faillite pour bénéficier ensuite de la saisie du logement, en passant par les refinancements présentés comme « avantageux » mais aux conditions en réalité calamiteuses. » |6|.

Quelques années plus tard, les procédures légales entamées suite aux plaintes déposées par des centaines de milliers de familles expulsées illégalement de leur logement par les banques démontreront que les banquiers avaient escroqué leurs clients à une échelle massive. Dans plus de 500 000 cas examinés par la justice des États-Unis, les banques ont abusé de la bonne foi des personnes qui signaient des contrats d’emprunt hypothécaire. Après de longues tractations à propos des délits et crimes qu’elles avaient commis en matière de crédit hypothécaire, les principales banques des États-Unis ont fini par accepter de payer des amendes pour un montant d’environ 86 milliards de dollars (période 2008-2013). Bien que le fait de payer des amendes ait permis aux banques d’échapper à des condamnations, cela démontre qu’il n’y a pas le moindre doute quant à leur responsabilité dans la crise. (...)

Dès le début de l’année 2007, les défauts de paiement des ménages ont commencé à se multiplier. Entre janvier et août 2007, 84 sociétés de crédit hypothécaire aux États-Unis se sont retrouvées en faillite. Les sociétés et les ménages riches qui spéculaient à la hausse sur l’immobilier jusque-là et avaient engrangé de copieux bénéfices se sont retirés brutalement, accélérant du même coup la chute des prix. Les banques qui avaient placé les créances hypothécaires dans des produits structurés et les vendaient en masse (notamment aux grandes banques européennes avides de rendement) ont été au centre de la crise.

Ainsi, le gigantesque édifice de dettes privées a commencé à s’effondrer avec l’éclatement de la bulle spéculative du secteur immobilier nord-américain et a été suivi par d’autres crises de l’immobilier en Irlande, au Royaume-Uni, en Espagne, à Chypre, dans plusieurs pays d’Europe centrale et de l’Est.

Il vaut la peine de mentionner que Nicolas Sarkozy |8|, emboîtant le pas de George W. Bush, invitait les Français à s’endetter beaucoup plus. Dans le numéro d’avril 2007 de la Revue Banque, il écrivait : « Les ménages français sont aujourd’hui les moins endettés d’Europe. Or une économie qui ne s’endette pas suffisamment, c’est une économie qui ne croit pas en l’avenir, qui doute de ses atouts, qui a peur du lendemain. C’est pour cette raison que je souhaite développer le crédit hypothécaire pour les ménages et que l’État intervienne pour garantir l’accès au crédit des personnes malades. (...) Si le recours à l’hypothèque était plus facile, les banques se focaliseraient moins sur la capacité personnelle de remboursement de l’emprunteur et plus sur la valeur du bien hypothéqué. »

On peut imaginer ce qui ce serait passé si la crise des subprimes n’était pas survenue en 2007-2008 et si, du coup, Nicolas Sarkozy avait continué à promouvoir le modèle appliqué aux États-Unis…(...)

Si l’éclatement de la bulle immobilière a été le détonateur de la crise, l’analyse ne doit pas s’arrêter là. Il est utile de rappeler une observation de Karl Marx à propos des crises : « Les années 1843-1845 furent celles de la prospérité industrielle et commerciale, conséquences nécessaires de la dépression presque permanente de l’industrie dans la période de 1837 à 1842. Comme toujours, la prospérité lança bientôt la spéculation. Celle-ci surgit régulièrement dans les périodes où la surproduction bat déjà son plein. Elle fournit à la surproduction des débouchés momentanés. Elle hâte en même temps l’irruption de la crise et en augmente la violence. La crise elle-même éclate d’abord là où sévit la spéculation et ce n’est que plus tard qu’elle gagne la production. L’observateur superficiel ne voit pas la cause de la crise dans la surproduction. La désorganisation consécutive de la production n’apparaît pas comme le résultat nécessaire de sa propre exubérance antérieure mais comme une simple réaction de la spéculation qui se dégonfle |9|. »(...)

En conclusion : Entre 2008 et 2017, la dette publique a fortement augmenté en conséquence du coût des sauvetages bancaires et des politiques néolibérales d’austérité. Il est fondamental d’insister sur les causes et les responsabilités de l’augmentation de la dette publique. Car dans le futur, dans la bataille des idées, on assistera à une nouvelle offensive de la droite pour attribuer aux dépenses publiques la responsabilité de la crise.