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Amnesty International
Violences sexuelles l’épreuve des femmes migrantes, transgenres et travailleuses du sexe qui portent plainte en France
#femmes #migrantes #immigration #transgenre #prostitution #violencessexuelles
Article mis en ligne le 22 septembre 2024

En France, accéder à la justice pour les femmes victimes de violences sexuelles reste un véritable parcours de combattantes. Mais comment espérer obtenir justice quand il existe tant d’obstacles au dépôt de plainte ? Ces freins touchent de manière disproportionnée les femmes migrantes, transgenres et les travailleuses du sexe. Surexposées aux violences, elles hésitent néanmoins à franchir les portes d’un commissariat.

Partout dans le monde, les chiffres sur les violences envers les femmes sont sidérants. Malgré les progrès réalisés par les combats féministes et l’élan donné par le mouvement #MeToo, les violences sexuelles restent un fléau. Et trop rares sont les victimes qui osent porter plainte et ont accès à la justice. (...)

Pourquoi les victimes de violences sexuelles en France sont-elles si peu nombreuses à porter plainte et à obtenir justice ? Que se passe-t-il lorsqu’elles décident de pousser la porte d’un commissariat ou d’une gendarmerie ?

Pendant 9 mois, nous avons mené une enquête approfondie pour comprendre les obstacles et les difficultés qu’elles rencontrent. Et notamment en faisant la lumière sur la situation de femmes migrantes, trans ou travailleuses du sexe, qui rencontrent des obstacles supplémentaires et spécifiques alors qu’elles sont déjà surexposées aux violences sexuelles.

Notre rapport " ‘Rentrez chez vous, ça va passer...’ Porter plainte pour violences sexuelles : l’épreuve des femmes migrantes, transgenres et travailleuses du sexe en France” démontre que ces femmes sont victimes de nombreuses violations de leurs droits lors de leur dépôt de plainte.

Quand le dépôt de plainte devient une nouvelle violence

Manque d’empathie, culpabilisation, voire accusation d’avoir agi de manière à mériter la violence... Lorsqu’elles décident de porter plainte, les femmes victimes de violences sexuelles ne se confrontent pas uniquement à leurs agresseurs, mais parfois à une nouvelle violence : celle exercée par les institutions policière ou judiciaire. C’est ce qu’on appelle la victimisation secondaire ou la double victimisation. (...)

Certaines femmes surexposées aux violences sexuelles et souvent en situation de vulnérabilité, telles que les femmes transgenres, les travailleuses du sexe et les femmes migrantes, rencontrent des obstacles et parfois des violences supplémentaires lorsqu’elles portent plainte. Elles se retrouvent prises dans un système où la violence et la discrimination se superposent et s’alimentent.
👉 Un manque de formation des forces de police et gendarmerie

L’accueil des victimes dans les commissariats est aléatoire et peut s’avérer particulièrement difficile. Nous avons documenté plusieurs situations où les gendarmes et policiers faisaient preuve d’une mauvaise application des procédures légales comme l’orientation vers la main courante au lieu d’enregistrer la plainte et d’une méconnaissance des droits de ces personnes. (...)

👉 Le refus de plainte

Selon la loi, toute personne peut porter plainte, quel que soit son statut administratif (c’est-à-dire qu’elle soit en «  situation régulière  » ou non sur le territoire français). Toutefois, la réalité est souvent différente.

Alors même qu’elles venaient dénoncer des situations de violences sexuelles, certaines femmes en situation irrégulière ont reçu des obligations de quitter le territoire (OQTF). D’autres ont été placées en centre de rétention puis expulsées – en contradiction totale avec le droit national et international. (...)

Parfois, les services de police orientent les victimes vers une main courante ou refusent tout simplement d’enregistrer la plainte. Une pratique pourtant interdite.
👉 L’échec à garantir l’interprétariat

La question de la barrière de la langue est aussi un frein important lors du dépôt de plainte. Dans de nombreux commissariats, notamment dans les territoires d’Outre-mer, l’absence d’interprète pour les langues moins répandues telles que le sranantongo ou le créole haïtien constitue un obstacle significatif. Ce défaut d’interprète a un effet dissuasif pour les femmes qui peuvent décider de renoncer à porter plainte, faute de pouvoir être comprise. L’accès à un·e interprète est pourtant un droit garanti pour toute personne ne maitrisant pas la langue française. (...)

Un parcours de combattantes

Les femmes trans, migrantes et/ou travailleuses du sexe sont souvent confrontées à plusieurs formes de discriminations. Ceci les expose à des violences répétées, multiples et peut les éloigner davantage de la justice. (...)

Les 19 associations rencontrées dans le cadre de notre enquête sont unanimes : les femmes migrantes sont les plus réticentes à porter plainte pour violences sexuelles. Elles sont non seulement victimes de stéréotypes racistes au sein des commissariats, mais elles craignent également des représailles en raison de leur statut migratoire. Une responsable juridique du STRASS (syndicat du travail sexuel) résume ainsi la situation : “Elles sont effrayées”.

Le refus de prendre en compte leur parole est également renforcé par le racisme et les préjugés. (...)

Au-delà des stigmatisations, les femmes sans papiers font face à la menace directe – et illégale – de l’expulsion du territoire lorsqu’elles tentent de porter plainte. Certaines associations comme Acceptess-T ou la Cimade racontent comment des femmes en situation irrégulière, venues dénoncer des violences sexuelles, ont reçu des obligations de quitter le territoire (OQTF) ou ont même été placées en centre de rétention avant d’être expulsées.

Ces expulsions sont illégales au regard du droit national et international, qui permet à toute personne, quelle que soit sa situation administrative, de porter plainte pour des violences sexuelles.

👉 La stigmatisation des travailleuses du sexe et la négation de leurs droits (...)

En plus des violences physiques et sexuelles qu’elles subissent, les travailleuses du sexe se heurtent à des stéréotypes profondément ancrés dans les services de police, qui peuvent conduire à la négation de leur expérience de violence, voire à des refus de plainte. (...)

La criminalisation de l’achat de services sexuels en France renforce cet isolement, poussant les travailleuses du sexe à exercer dans des conditions clandestines et précaires, les exposant davantage aux violences.

Les associations comme Médecins du Monde dénoncent également les répercussions de la loi criminalisant le travail du sexe, qui pousse les travailleuses du sexe à prendre des risques, comme renoncer à l’utilisation du préservatif pour ne pas perdre de clients, ou encore à ne pas signaler les violences subies. Ces conséquences augmentent la vulnérabilité des femmes et limitent leur accès aux services de santé et de justice.

👉 Les femmes trans  : victimes de transphobie et de préjugés dans les commissariats (...)

La directrice de l’association Acceptess-T explique : “[...] ces populations trans, notamment quand elles cumulent des facteurs d’immigration ou autres, ont en quelque sorte, intériorisé cette espèce de non-appel ou non-recours à la justice, parce qu’elles ont peur d’aller vers le système judiciaire.”

De nombreuses associations témoignent de situations où les forces de police et gendarmerie refusent de prendre leurs plaintes au sérieux, ou les soumettent à des interrogatoires humiliants, renforçant ainsi la stigmatisation et le sentiment de rejet.

Ce traitement, non seulement discriminatoire, mais aussi illégal, constitue une forme de violence institutionnelle qui aggrave les traumatismes vécus par ces femmes et peut les dissuader de déposer plainte. Il est inquiétant de constater qu’afin de ne pas être victime de nouvelles violences, certaines femmes décident de renoncer à déposer plainte pour violences sexuelles. (...)

Vers une meilleure prise en charge des plaintes pour violences sexuelles

Nous formulons plusieurs demandes afin d’améliorer la prise en charge des femmes victimes de violences sexuelles, en particulier celles qui sont confrontées à des discriminations multiples.

👉 Appliquer le droit existant (...)

👉 Renforcer la formation des forces de police et gendarmerie (...)

👉 Dépénaliser le travail du sexe (...)

👉 Redéfinir le viol dans le code pénal en introduisant la notion de consentement (...)