
à Paris, Sciences Po est devenue un lieu emblématique de #MeToo. Un lieu de pouvoir et de prestige, dont les directions successives ont incarné, à leur manière, l’impunité à la française. Un lieu de savoirs où les aspirations des étudiant·es, notamment des femmes, se sont heurtées à la domination masculine et à l’entre-soi de genre et de classe.
(...) Contacté par Mediapart, le parquet de Paris a confirmé le renvoi du directeur et de son ancienne compagne pour des « violences réciproques au sein du couple » – ils bénéficient tous les deux de la présomption d’innocence. Tous deux se voient reprocher « des violences sur conjoint ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours ». Le procès aura lieu à l’automne. (...)
À Sciences Po, la démission du directeur vient clore une crise ouverte aussitôt la procédure rendue publique. Il s’était un temps mis en retrait, avant de considérer en janvier qu’il pouvait reprendre ses fonctions. Des étudiant·es avaient bruyamment protesté. En vain.
Depuis, la tension était palpable dans une école où les manifestations politiques, à propos de #MeToo ou de la guerre à Gaza, sont suivies comme le lait sur le feu (...)
Mathias Vicherat a succédé à la direction de l’école à Frédéric Mion. Lui-même avait dû démissionner dans une autre affaire de violences sexistes et sexuelles. Non pas pour en avoir été l’auteur, mais pour son inaction et son silence. (...)
l’institution avait été secouée par plusieurs mobilisations d’étudiant·es dénonçant la gestion, jugée calamiteuse, de dénonciations de violences sexistes et sexuelles en son sein. Sur les réseaux sociaux, l’activiste Anna Toumazoff avait lancé le mouvement #SciencesPorcs, visant l’ensemble des instituts d’études politiques (IEP) en France.
La grande hypocrisie
Sciences Po s’était pourtant pensée à la pointe de la lutte contre les violences de genre. (...)
un plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles avait été mis en œuvre dès 2015, avec une cellule d’écoute et un projet de recherche qui avait alors permis, promettait-on, une « introspection de la maison ».
Chaque semestre, les enseignant·es recevaient les bonnes pratiques, surnommées les « 10 commandements ». (...)
Qui pouvait prédire la suite ? Qui pouvait deviner la duplicité, l’entre-soi et l’impunité ?
Sciences Po est aussi à l’image du pays : on sait que les violences de genre sont un fait de société, qu’elles touchent tous les milieux et qu’elles sont au cœur des rapports de domination qui traversent nos rapports sociaux. Les déloger est un défi. Les dénoncer ne suffit pas. Le chemin sera long.
On sait aussi que l’université et l’enseignement supérieur sont des lieux propices : les rapports sont très déséquilibrés (maître/élève), la précarité y est prégnante (un terreau favorable) et les outils de contrôle et de sanction ont longtemps été défaillants.
Mais l’institution parisienne ne peut se cacher totalement derrière les statistiques. (...)