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France24
Violence conjugale : le contrôle coercitif, un "crime de liberté" désormais dans le droit français
#femmes #violencesconjugales #controlecoercitif #AssembleeNationale
Article mis en ligne le 1er février 2025
dernière modification le 31 janvier 2025

Par l’adoption en première lecture, mardi, de la proposition de loi "visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes", les députés français ont validé l’inscription dans le code pénal français de la notion de "contrôle coercitif", au cœur des violences conjugales. Une notion qui concerne disproportionnellement les femmes et indissociablement les enfants.

La violence conjugale n’est pas la somme d’"actes" épisodiques, mais un système de domination qui commence bien avant qu’un coup ne soit porté. À l’instar d’un nombre croissant de pays étrangers, le droit pénal français le reconnaît désormais. L’Assemblée nationale a adopté (par 137 voix pour, 20 contre et 64 abstentions), mardi 28 janvier, la proposition de loi permettant d’inscrire dans le code pénal la notion de "contrôle coercitif", une forme de violence psychologique visant à instaurer un contrôle et une domination permanents sur l’autre. Dans l’écrasante majorité des cas, ces comportements de prédation sont déployés par l’homme pour assujettir sa conjointe.

Contrôle du téléphone, des fréquentations, de la tenue vestimentaire, harcèlement moral, dénigrement constant, intimidation, isolement, insultes, menaces... Des violences que la députée socialiste Colette Capdevielle qualifie de "terrorisme patriarcal", précédant "neuf fois sur dix les féminicides".

Des traumatismes communs avec les prisonniers de guerre (...)

"La victime vit les mêmes atteintes aux droits que les prisonniers de guerre, ou que quelqu’un qui vit dans un système totalitaire politiquement", explique dans l’épisode 12 du podcast "Un poing c’est tout" la Dre Andreea Gruev-Vintila, maîtresse de conférences en psychologie sociale à l’université Paris-Nanterre et autrice du livre "Le Contrôle coercitif. Au cœur de la violence conjugale" (éd. Dunod), premier ouvrage de référence en français sur le plan mondial.

Exposées à des violences répétées, prolongées et se trouvant en situation de captivité, "ces victimes développent un type particulier de trauma : le syndrome de stress post-traumatique complexe (SSPT-C)", que présentent les victimes exposées à ce type de violences, "qu’il s’agisse de prisonniers de guerre, d’otages de sectes ou de victimes de violence conjugale", poursuit la chercheuse, également fondatrice de l’Institut des hautes études appliquées sur le contrôle coercitif (IHEACC).

En 2012, Evan Stark révélait dans un rapport se penchant sur "le contrôle coercitif et la défense de la liberté" qu’entre 60 et 80 % des femmes demandant de l’aide pour des violences conjugales ont subi un contrôle coercitif à travers de multiples tactiques pour les effrayer, les isoler, les dégrader et les subordonner, ainsi que des agressions et des menaces.
Des effets plus graves dans les couples hétérosexuels (...)

"Le contrôle coercitif en tant que processus n’est pas genré. Cependant, il a des effets plus graves dans les couples hétérosexuels à cause des inégalités structurelles entre les hommes et les femmes." (...)

Début janvier, dans le podcast "Un poing c’est tout", Andreea Gruev-Vintila soulignait l’importance que la notion de contrôle coercitif soit reconnue en France, dans un contexte international où le concept est utilisé dans un nombre croissant de législations.

Dans son ouvrage, elle décrit d’ailleurs spécifiquement la situation française dans laquelle l’incrimination de la violence conjugale échouait jusqu’ici à condamner et responsabiliser les auteurs, et à protéger les victimes.

L’indispensable reconnaissance juridique (...)

Une loi française "révolutionnaire"

Comme le rappelait en 2023 Andreea Gruev-Vintila dans un article coécrit avec Evan Stark dans The Conversation, "cette nouvelle législation [en France] pourrait contribuer à la protection de 213 000 femmes, dont 82 % de mères, et de leurs 398 310 enfants covictimes de violence conjugale, empêcher le meurtre et le suicide de centaines de partenaires, d’ex-partenaires et d’enfants chaque année.

Dans sa lettre de novembre 2021, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes qualifiait en effet le taux de condamnation des auteurs de violence conjugale de "véritable système d’impunité". "L’écart entre les infractions sanctionnées et la réalité de la violence telle qu’elle est vécue par les victimes peut éroder leur confiance dans la justice", déplorait alors dans son article Andreea Gruev-Vintila.

La chercheuse se réjouit de cette nouvelle loi française, qu’elle qualifie de "révolutionnaire, parce qu’elle ne fait pas qu’incriminer le contrôle coercitif, mais le fait aussi entrer dans le droit civil". (...)