
La cour criminelle du Vaucluse a condamné jeudi les 51 accusés de l’affaire des viols de Mazan à des peines allant de 5 à 15 ans de prison pour viols aggravés, et Dominique Pelicot à 20 ans de réclusion criminelle. Des peines moins sévères que les réquisitions, ce qui soulage les avocats de la défense et révolte les collectifs féministes présents à l’extérieur du tribunal. Réactions.
(...) Le procès des viols de Mazan a remis sur le devant de la scène l’absence de notion de consentement dans la définition légale du viol, à la différence d’autres pays comme l’Espagne ou la Suède qui ont déjà légiféré dessus. Fin septembre, le ministre de la Justice démissionnaire Didier Migaud s’était dit favorable à l’inscription du consentement dans le code pénal.
"Je pense à toutes les victimes non reconnues"
De son côté, Gisèle Pelicot a hoché la tête au fur et à mesure de l’énoncé des condamnations. (...)
Ses trois enfants, Caroline, Florian et David, étaient également présents avec leurs conjoints.
À la sortie de l’audience, Gisèle Pelicot n’a pas répondu aux questions, mais a lu une déclaration où elle remerciait ses proches : "Je pense à mes trois enfants. Je pense également à mes petits-enfants qui sont l’avenir et c’est aussi pour eux que je mène ce combat [...]. Je pense aussi à toutes les autres familles touchées par ce drame et les victimes non reconnues dont les histoires demeurent dans l’ombre."
Ne souhaitant pas commenter les peines prononcées par la cour criminelle, Gisèle Pelicot a de nouveau assumé son choix de publicité des débats : "J’ai voulu en ouvrant les portes de ce procès que la société puisse se saisir des débats et je ne l’ai jamais regretté."
Colère des féministes
Dehors, plusieurs féministes portant des pancartes à la teneur plus ou moins agressive ont scandé "Honte a la justice" et "Justice complice", à l’issue du verdict. "Les féministes, les femmes se sentent humiliées, déçues et en colère que la justice ait prononcé des peines extrêmement basses. Ce soir, une dizaines d’hommes vont rentrer chez eux ce soir et c’est vraiment insupportable de se dire que ces hommes vont pouvoir passer Noël en famille", réagit Blandine Deverlanges, présidente du collectif féministe radical Les Amazones d’Avignon. (...)
Vers 13 h 30, c’est sous étroite escorte policière que Gisèle Pelicot est sortie du tribunal. "Merci Gisèle !", ont scandé les femmes à l’extérieur, tandis que la septuagénaire progressait lentement dehors.
De leur côté, les féministes ont prévu de se réunir à 13 h vendredi pour dire leur colère face à ce verdict jugé laxiste (...)
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(...) certains éléments de cette affaire demeurent non élucidés.
Les accusations d’inceste contre Dominique Pelicot
Lors de son interrogatoire par le juge le 17 septembre, Dominique Pelicot a réfuté avoir pris en photo et abusé de sa fille, Caroline Darian. Des photos d’elle, endormie en culotte, et la couette relevée sur le côté, ont pourtant été retrouvées par les enquêteurs dans son disque dur externe. Des clichés de ses belles-filles dénudées, Céline, 48 ans, et Aurore, 37 ans, ont également été découverts. C’était "des photos de moi enceinte de nos jumelles, nue, […] zoomées sur mes parties intimes", datant de 2011, a précisé Céline devant la cour. Pour se procurer ces images, Dominique Pelicot avait dissimulé un téléphone portable dans une trousse de toilette placée dans leur salle de bain. Il a ensuite diffusé ces photos, accompagnées de montages dégradants, sur internet. (...)
Hassan O., l’accusé en fuite au Maroc
Sur les 51 accusés du procès de Mazan, un seul manquait à l’appel. Hassan O., 30 ans, n’a pas pu être interpellé pendant l’information judiciaire. Et pour cause, ce Marseillais, qui affiche 13 condamnations sur son casier judiciaire (vols, violences et infractions), se trouve désormais au Maroc. "Hassan O. n’a pas pu être interpellé dans le temps de l’information. Le magistrat instructeur a ainsi délivré à son encontre un mandat d’arrêt valant mise en examen" pour viol aggravé, peut-on lire dans l’ordonnance de renvoi devant la cour criminelle du Vaucluse. (...)
Les cold cases qui ont refait surface
Entre son état de santé et les remises de peine, difficile de dire combien de temps Dominique Pelicot restera véritablement en prison. Cependant, il pourrait bientôt se retrouver à nouveau devant un tribunal. Le septuagénaire est mis en examen depuis octobre 2022 dans deux affaires qui remontent aux années 1990, lorsqu’il était agent immobilier en région parisienne. Il y a d’abord un viol suivi de meurtre commis sur Sophie Narme (23 ans), en 1991, qu’il conteste. Dans ce dossier, les prélèvements sur lesquels se trouvait le sperme retrouvé sur la victime ont été égarés. Trois juges d’instruction se sont succédé sur ce dossier, mais l’avocate de la famille de Sophie Narme a réussi à éviter la prescription en maintenant le dossier ouvert : "À chaque fois j’ai fait des demandes de réouverture en réclamant de nouveaux actes d’investigation", explique-t-elle au téléphone.
Il y a ensuite cette tentative de viol sur Marion (19 ans, nom d’emprunt) en 1999, à Villeparisis (Seine-et-Marne), qu’il a reconnue au bout de plusieurs interrogatoires et d’une confrontation avec la victime, aujourd’hui quadragénaire. "Dominique Pelicot aime bien maîtriser les choses. Il a d’abord nié son implication, puis au bout d’un certain temps, quand on lui a dit que son ADN avait été retrouvé sur place, il a reconnu les faits. Quand on lui colle des éléments sous le nez, il n’insiste pas, pour éviter qu’on aille fouiller ailleurs", fait savoir Florence Rault, qui défend également Marion.
Initialement prescrit, ce dossier n’a pu être rouvert qu’en étant lié à l’affaire Sophie Narme, non prescrite (...)
Créé en 2022, le pôle "cold case" du tribunal judiciaire de Nanterre enquête par ailleurs sur cinq autres affaires pouvant impliquer Dominique Pelicot : trois viols, une tentative de viol et un homicide, non élucidés. "Les modes opératoires ainsi que les profils des victimes sont très similaires, c’est pourquoi nous procédons à des vérifications" (...)