
Lors du procès des viols de Mazan, des collectifs féministes ont multiplié les rassemblements devant le tribunal d’Avignon, allant jusqu’à réclamer les peines maximales pour les 51 accusés. À l’approche du verdict, la tension se cristallise avec les avocats de la défense, qui dénoncent les pressions et appellent les juges à ne pas se laisser influencer par l’opinion publique.
Leur nom ne vous dit sûrement rien. Et pourtant, depuis le début du procès des viols de Mazan, les Amazones d’Avignon, un collectif féministe radical, multiplient les rassemblements et happenings aux abords du tribunal judiciaire d’Avignon. Les fumigènes violets à l’ouverture du procès ? Ce sont elles. Le haka féministe organisé lundi lors du début des réquisitions ? Encore elles. Les innombrables collages sur les murs de la ville en référence à Gisèle Pelicot ? Toujours elles. "Avant, on collait une fois par mois, maintenant, c’est plutôt deux fois par semaine", sourit Blandine Deverlanges, présidente d’Osez le féminisme 84 et fondatrice du collectif, qui milite notamment pour l’abolition de la pornographie et de la prostitution.
Dans le public qui vient assister aux débats, Blandine Deverlanges, 56 ans, écharpe violette et lunettes rondes sur le nez, rencontre régulièrement des femmes dont l’histoire fait écho à celle de Gisèle Pelicot. (...)
Tensions avec les avocats de la défense
À force d’actions coup de poing, les Amazones d’Avignon se sont aussi mis à dos les avocats de la défense. La tension s’est cristallisée ces derniers jours, à l’approche des réquisitions. Mercredi, la police municipale a décroché une grande bâche blanche sur laquelle était inscrite "20 ans pour chacun !", en référence aux 20 ans de réclusion criminelle requis contre Dominique Pelicot. (...)
La veille, les avocats généraux Laure Chabaud et Jean-François Mayet avaient requis 20 ans de réclusion criminelle contre Dominique Pelicot, et des peines de 10 à 18 ans de prison contre les 50 co-accusés (sauf un qui comparaît pour atteintes sexuelles). "Par votre verdict, vous signifierez que le viol ordinaire n’existe pas. Que le viol accidentel ou involontaire n’existe pas", a déclaré l’avocate générale Laure Chabaud. Chez les accusés, ces réquisitions ont été vécues comme un véritable coup de massue. "C’est des malades, je m’attendais à 7, 8 ans, on en a requis 12 contre moi", s’indigne l’un d’eux. L’avocat Roland Marmillot y voit là l’effet des pressions extérieures (...)
Ne pas se laisser "submerger par l’opinion publique"
Lors des premières plaidoiries mercredi et jeudi, les avocats de la défense n’ont pas eu de mots assez durs contre les pressions de l’opinion public et le parquet (...)
La présidente d’Osez le féminisme 84, Blandine Deverlanges, rétorque : "Ce n’est pas une question d’exemple. Il y a toujours de bonnes raisons pour ne pas punir les violeurs. Un coup, il n’y a pas de preuves, un coup, on ne croit pas la victime. Là, on a toutes les preuves, donc je ne vois pas pourquoi on ferait des viols à tarif réduit. Si on a des peines de 10 ans, ça veut dire que la loi n’est pas appliquée [la peine maximale pour viol est de 15 ans de prison, NDLR]. La justice doit arrêter d’envoyer un signal d’impunité aux violeurs".
Alors que l’issue du procès approche, le 20 décembre au plus tard, certains dans les couloirs du tribunal se posent déjà la question de l’après. Quel héritage laissera ce procès derrière lui ? (...)
Dans le public, Martine, 52 ans, craint que le souffle de Mazan ne retombe aussitôt le verdict connu : "Je trouve qu’il n’y a pas assez d’hommes parmi nous. Ça montre que la question du viol est encore trop éloignée d’eux". Et de conclure : "Je crains qu’on ne rate une fois de plus l’occasion de changer les mentalités".