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Un mariage refusé pour cause d’OQTF, le maire Robert Ménard devant la justice
#RobertMenard #extremedroite #migrants #immigration
Article mis en ligne le 19 février 2025

Robert Ménard, le maire d’extrême droite de Béziers, dans le sud-est de la France, est convoqué par le procureur ce mardi 18 février pour avoir refusé il y a un peu moins de deux ans de marier une Française et un Algérien sous le coup d’une OQTF, une obligation de quitter le territoire. Ce refus est illégal. Robert Ménard encourt donc cinq ans de prison, une amende de 75 000 euros et une peine d’inéligibilité.

(...) C’est en regardant la télévision qu’Eva et son fiancé apprennent la nouvelle. Sur le plateau de la chaîne privée CNews, le maire de Béziers Robert Ménard annonce en direct qu’il ne les mariera pas. Nous sommes la veille de la cérémonie. À la question de savoir s’il va marier Eva et Mustapha, la réponse est sans appel :"Mais bien sûr que non  ! Ce “type” est en situation irrégulière. Si on veut le mettre dehors, la Police de l’air et des frontières, je leur donne rendez-vous vendredi à la mairie. Ils le trouveront puisqu’il vient à 11 h se marier !"

Malgré l’illégalité de son geste, Robert Ménard persiste. "Quitte à vous mettre vous hors-la-loi ?", demande la présentatrice. "Mais bien sûr  !, répond l’élu. Tant pis. Quand le droit est à ce point contre la logique, le bon sens, l’évidence..."

Pour les fiancés, la nouvelle est bien entendu terrible. (...)

La fiancée décide alors d’aller voir le maire, pour discuter avec lui : "Je me dis qu’il peut déléguer un officier d’état civil, mais qu’il ne peut pas gâcher le jour J, l’amour de deux personnes, pour des opinions politiques. Malheureusement, quand on se présente à l’heure du mariage, c’est là que le drame a commencé, entre guillemets. "

Sur le parvis de la mairie, une nuée de caméras attend les deux amoureux, l’élu a prévenu la presse. Le couple parvient malgré tout à atteindre l’entrée du bâtiment. "Et là, la sonnette d’alarme retentit, raconte Eva, choquée. Les portes de la mairie nous sont fermées au nez à la demande de Monsieur Ménard pour exprimer son refus. Enfin, on ne traite pas les gens comme ça ! "

Deux semaines plus tard, Mustapha est renvoyé en Algérie. Le mariage n’aurait jamais pu empêcher son expulsion, mais, pour Eva, les deux évènements sont forcément liés, au vu de la médiatisation de l’affaire et de la mobilisation du maire (...)

Robert Ménard devant la justice

L’avocate du couple a saisi la justice pour dénoncer une expulsion illégale. Elle soutient que son client n’a vu ni avocat ni juge avant d’être placé dans un avion. Le tribunal administratif se prononcera sur ce volet vendredi 21 février. En attendant, ce mardi 18 février, c’est Robert Ménard qui se retrouve face à un procureur pour avoir refusé de marier Eva.

"J’attends quelque chose qui soit à la hauteur de ce qu’on a subi, de ce qu’on a ressenti. On n’atteint pas la vie des gens comme ça, s’indigne Eva. On ne remet pas en cause leur amour, on ne les dénigre pas comme ça, à la télé et partout. Ce n’est pas rien ce qu’il a fait !"

Depuis 20 mois, Eva multiplie les allers-retours en Algérie pour voir Mustapha, qui n’a pas souhaité s’exprimer. Sa compagne le dit tout aussi désemparé.

Lire aussi :

 (Mediapart)
Mariage annulé : Robert Ménard méprise la loi avec le soutien du gouvernement

Mardi, le maire de Béziers était convoqué devant le procureur pour avoir refusé, en juillet 2023, de marier un couple en raison de la situation irrégulière du fiancé, d’origine algérienne. À la faveur d’une proposition de loi tombée à point nommé, il a refusé de reconnaître l’infraction. L’affaire est renvoyée devant le tribunal correctionnel. (...)

après avoir martelé sur tous les plateaux de télévision qu’il assumait son geste, Robert Ménard, élu avec le soutien de l’extrême droite, a changé son fusil d’épaule. Dans le huis clos d’une salle du tribunal, en face à face avec le procureur de Montpellier, il n’assume plus.

« J’ai refusé de reconnaître quelque culpabilité que ce soit », a-t-il confirmé sur le parvis, renvoyant l’affaire à un procès ultérieur. « Un mardi, je pourrais être condamné pour une loi qui pourrait changer le jeudi ? C’est incompréhensible », a-t-il plaidé, en référence à la proposition de loi visant à « interdire un mariage en France lorsque l’un des futurs époux réside de façon irrégulière sur le territoire », qui doit être examinée au Sénat le 20 février. (...)

Retoquée par la commission des lois du Sénat, qui la juge « inconstitutionnelle », cette proposition a été applaudie par le Rassemblement national (RN), dont les élu·es s’attribuent la paternité idéologique. Plus problématique encore, elle a été ouvertement soutenue par le gouvernement lui-même, venu à la rescousse du maire de Béziers à de nombreuses reprises ces derniers jours. « On marche sur la tête, a estimé le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau sur CNews ce week-end. Je pense que quand la règle est mal faite, il faut la modifier. La proposition de loi sera soutenue par le gouvernement, par la voix du garde des Sceaux. »

Devant le Sénat le 10 février, le ministre de la justice Gérald Darmanin a même incité les parlementaires à jouer aux contorsionnistes pour tenter de faire entrer la proposition dans les clous : « Je suis sûr que votre assemblée trouvera les moyens de rendre constitutionnel ce texte. » Dans son viseur notamment : il espère pouvoir donner la possibilité au maire de trancher si le procureur ne répond pas à temps ; ou encore imposer aux futurs époux de fournir la preuve de « la régularité [de leur] séjour » à l’officier d’état civil. (...)

À la sortie du tribunal, alors que l’ensemble des élu·es venu·es en soutien ovationnent le maire en scandant des « Bravo Robert ! », la fiancée est en larmes. Autour d’elle, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Les Amoureux au ban public et la Cimade dénoncent l’instrumentalisation, « la pression » des élu·es et la « surenchère » politique autour du couple. « C’est le combat de David contre Goliath », résume Daniel Martin, responsable de l’antenne biterroise de la Cimade.

Et la jeune Eva de pointer l’outrance des notables : « Ce qui est horrible, c’est de voir tous ces élus qui l’applaudissent d’avoir bousillé ma vie », souffle la jeune femme, encore traumatisée d’avoir appris que son mariage allait être annulé la veille du jour J, via une interview télévisée. « Ma fille l’appelait “papa”. »