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Mediapart
Trump : la masculinité toxique a gagné
#USA #Trump #electionpresidentielle #femmes #virilisme
Article mis en ligne le 8 novembre 2024
dernière modification le 7 novembre 2024

Chaque fois qu’il a affronté une femme à la présidentielle, Donald Trump a gagné. Cette fois, il l’a même emporté en menant une campagne viriliste, hostile aux droits des femmes et des personnes LGBTQ+ et d’une misogynie crasse.

Le symbole est terrible, au terme d’une campagne dans laquelle les droits des femmes et des minorités de genre ont pris une place centrale. Il semble dire au monde : jamais une femme ne sera présidente des États-Unis d’Amérique.

Un CV long comme le bras, une respectabilité universitaire et bourgeoise, un adoubement par le Parti démocrate, la protection d’hommes puissants quoique déclinants – le mari Bill, pour la première adversaire ; le président en exercice Biden, pour la seconde –, rien n’y fait. Pour une femme, cela ne suffit jamais. Le plafond de verre est incassable. (...)

Pire encore : le virilisme violent est un argument de campagne payant. Plus encore que lors des élections de 2016 et de 2020, Donald Trump a affiché une misogynie crasse à l’égard de son adversaire démocrate. Kamala Harris a eu droit à toute la palette du racisme et du sexisme en politique – bien connue en France également.

Son rire est trop franc, trop bruyant. Son incompétence est manifeste, elle est stupide. Kamala Harris est une « attardée mentale », une « folle ». Il ne faut surtout pas lui confier le bouton nucléaire car elle ne comprend pas le mot « nucléaire », a harangué Trump en meeting.

Le nouveau président des États-Unis a également relayé un message sous-entendant que son adversaire, ancienne procureure de Californie, devait sa réussite à des faveurs sexuelles (...)

Pendant la campagne, les partisans du républicain s’en sont donné à cœur joie : Kamala Harris « et ses proxénètes détruiront [leur] pays », a lancé l’homme d’affaires Grant Cardone au Madison Square Garden de New York, le 27 octobre. Trump revenant au pouvoir serait un « père furieux mais aimant » venant donner « une vigoureuse fessée » à sa « mauvaise fille », selon l’ancien animateur de Fox News Tucker Carlson.
Contre le « wokisme », avec un casier judiciaire

Plus largement, Donald Trump a de nouveau bataillé contre « le wokisme », contre les droits des femmes et des personnes LGBTQ+. Il s’est vanté d’avoir permis, voilà deux ans, la suppression du droit fédéral à l’avortement grâce à la Cour suprême. Ses électeurs – et électrices – sont obsédé·es par les transitions de genre, pétri·es d’une transphobie encouragée par les principaux chefs de file du Parti républicain.

Les proches du nouveau président ne cachent pas leur sexisme. Ils le revendiquent. (...)

Quant au colistier de Trump, favori pour la vice-présidence, J.D. Vance, il a accusé les démocrates d’être des « cat ladies » (des « femmes à chat ») dans une vidéo de 2021, récemment exhumée – un cliché misogyne pour désigner les femmes célibataires et sans enfant.

Et que dire du candidat lui-même qui, en fin de campagne, s’est présenté en « protecteur des femmes ». Avant d’ajouter, goguenard, rapportant le scepticisme de ses conseillers : « J’ai répondu : “Eh bien, je vais le faire, que ça plaise ou non aux femmes. Je vais les protéger.” » (...)

Donald Trump, en 2016, s’était vanté de « choper les femmes par la chatte ». Il a aussi été condamné au pénal pour avoir soudoyé une actrice porno Stormy Daniels. Il a été condamné au civil, en mai 2023, à 5 millions de dollars de dédommagement pour avoir sexuellement agressé puis diffamé la journaliste américaine E. Jean Carroll.
La revanche des masculinistes

Les trumpistes l’ont assumé fièrement, et sur un ton revanchard : leur campagne était celle d’hommes forts, affichant leur virilité dominante, piétinant les minorités et les femmes revendiquant leurs droits – évidemment du côté de la faiblesse.

Une anecdote de campagne le démontre jusque dans l’exaltation du sexe masculin. Lors d’un meeting à Latrobe, en Pennsylvanie, Trump, 78 ans, a rendu hommage à Arnold Palmer, légende américaine du golf décédée en 2016, parlant de son appareil génital : « Quand il prenait une douche avec les autres pros, ceux-ci s’exclamaient : “Oh, mon Dieu, c’est incroyable.” »

Déjà, en 2020, Donald Trump avait juré, en réponse à son ami Elon Musk, qu’il avait « pris » la « pilule rouge » : il s’agit d’un signe de reconnaissance des masculinistes inspiré du film Matrix. Dans ce cadre, ingérer la red pill est censé révéler à celui qui l’ingère qu’il vit dans une société dominée par les femmes.

« Si vous êtes un homme dans ce pays et que vous ne votez pas pour Donald Trump, vous n’êtes pas un homme », a aussi affirmé l’influenceur Charlie Kirk. (...)

« Cette idée d’une masculinité blanche persécutée et dédaignée est très étroitement liée à celle de la grandeur américaine, considérée comme en état de siège », décrypte très justement Kristin Kobes Du Mez, professeure d’histoire et d’études de genre à l’université Calvin, dans le Michigan.

En face, Kamala Harris a peu à peu réduit son discours à deux messages : moi ou le fascisme ; moi ou le recul pour les femmes, notamment sur l’avortement. Les démocrates ont multiplié les clips de campagne appelant les femmes républicaines à voter en cachette de leurs époux. Ils ont tout misé sur le « gender gap », le fossé entre le vote des femmes et des hommes, et sur la défense du droit à l’avortement.

Mercredi 6 novembre, leur défaite est totale. Les trumpistes ont gagné la bataille du genre. (...)

L’échec de la stratégie démocrate

La stratégie des démocrates a lamentablement échoué. Miser sur le vote des femmes ne peut pas suffire. Surtout quand le message ne s’accompagne pas d’un discours social convaincant à destination des plus modestes – dont les femmes font largement partie. Surtout quand d’autres votes, à l’échelle des États, permettaient de défendre l’avortement. (...)

Même si le « non » l’a emporté dans le Nebraska et le Dakota du Sud, le droit à l’avortement a donc progressé dans les urnes. Mais sans Kamala Harris. Et avec le masculiniste en chef, Donald Trump, à la Maison-Blanche pour quatre ans.