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Mediapart
« Trump donne l’impression de vouloir détruire les États-Unis »
#USA #Trump
Article mis en ligne le 27 avril 2025
dernière modification le 26 avril 2025

Avec son livre « Le Cas Trump », l’essayiste canadien Alain Roy dresse un portrait dévastateur du président états-unien. Avec la volonté de parler du fond et non des controverses suscitées en permanence par le principal intéressé pour éviter qu’on s’y intéresse.

Pour son ouvrage Le Cas Trump, l’essayiste canadien Alain Roy explique avoir lu une quarantaine de livres et une centaine d’articles relatifs à Donald Trump. « Je veux lier le psychologique au politique et à la question financière pour vraiment aller au cœur du personnage, indique Alain Roy à Mediapart. Et puis je veux répondre notamment à la question suivante : Trump est-il dangereux ? »

Pendant la dernière campagne présidentielle, il s’est infiltré, avec un ami photographe, dans l’un des meetings du candidat républicain en se faisant passer pour un fidèle du mouvement Maga (« Make America Great Again »). Une vidéo hallucinante, dans laquelle Trump est présenté comme une création divine, a été projetée. « J’ai besoin de quelqu’un qui se lèvera avant l’aube, réparera ce pays, travaillera toute la journée, combattra les marxistes, prendra son repas, puis retournera au bureau Ovale jusqu’à minuit pour discuter avec des chefs d’État », aurait dit Dieu, selon les concepteurs de ce bijou de propagande.

Le livre rend bien compte du délire trumpien et de ses dangers. Pour l’auteur, Donald Trump, lié au régime de Vladimir Poutine, est un criminel, un désaxé, un sociopathe et un menteur compulsif. « Il est absurde de se cantonner dans l’euphémisme face à une clique qui s’attaque chaque jour davantage à l’indépendance journalistique et qualifie les médias honnêtes et rigoureux de fake news », écrit-il. (...)

Comme Alain Roy le souligne, le président républicain est passé maître dans l’art de faire parler de lui, sans qu’on s’intéresse à sa personne. Avec Le Cas Trump, l’auteur s’y attelle. Et on ressort de la lecture encore plus effrayé par la perspective des 1 378 jours qu’il reste avant la fin de son deuxième mandat. Entretien.

Mediapart : Pourquoi vous êtes-vous intéressé au personnage de Donald Trump ?

Alain Roy : Comme beaucoup de gens, durant son premier mandat, j’étais intrigué, étonné et inquiété par Trump. Ce qui m’a poussé à lire des ouvrages et des articles pour comprendre le personnage. Lorsque Joe Biden a remporté l’élection de 2020, je pensais qu’on en était débarrassé. Mais quand il est devenu clair qu’il allait revenir sur la scène avec de bonnes chances de remporter les élections de novembre dernier, j’ai repris mon enquête. Je me suis dit qu’il était important de vraiment comprendre qui il est. Le projet du livre est né à ce moment-là. Beaucoup de choses ont déjà été révélées, écrites, mais ce qui m’a frappé, c’est que l’on en a oublié la plupart.

De quelles choses parlez-vous ?

Par exemple, l’ampleur de l’imposture face à la fortune familiale. Le fait de se présenter comme un self-made-man, un homme parti de rien, alors qu’il a hérité d’une fortune colossale de son père. Le fait qu’il se présente comme un homme d’affaires à succès alors qu’il a enchaîné les faillites, six dans les années 1980.

Il a entretenu toutes ces illusions auxquelles a cru une bonne partie de l’électorat américain pour l’élire en se disant qu’un homme qui a eu autant de succès en affaires peut gérer le pays. Tous les gens qui suivent Trump ont cru à cette imposture. Et même les autres le voient comme un homme d’affaires à succès. L’émission de téléréalité « The Apprentice » qu’il a animée a installé cette image. C’était une des premières choses qu’il était important de démonter. (...)

Chaque semaine, Trump génère de nouvelles controverses, ce qui empêche de parler du fond. Il est passé maître dans l’art de faire parler de lui sans qu’on s’intéresse à sa personne. Le but du livre est d’aller au-delà de toutes les controverses et de retourner à la source en tentant de répondre à cette question : qui est cet homme ?

Vous vous intéressez aussi à son profil psychologique et à ses failles narcissiques...

Elles sont visibles à l’œil nu. Il se vante en permanence et ces vantardises continuelles décèlent une fragilité narcissique. Plus inquiétant encore est sa sociopathie. Et on touche là au côté criminel de Trump. Il a fricoté avec la mafia pendant des décennies. La fameuse Trump Tower a été construite avec l’aide de la mafia italienne de New York. Son avocat personnel, Roy Cohn, représentait tous les grands chefs mafieux. Il y a aussi les liens avec la mafia russe qui ont été dévoilés par plusieurs journalistes d’investigation. C’est documenté, le FBI est au courant. (...)

Cela constitue un de mes sujets d’étonnement. Comment se fait-il qu’il n’y ait pas de mécanisme de validation des candidatures présidentielles aux États-Unis permettant d’écarter un tel personnage, manifestement compromis ?

Autre élément que j’aborde dans mon livre, ce sont les rapports de Donald Trump avec Vladimir Poutine. Pour le rédiger, j’ai lu à peu près une quarantaine d’ouvrages sur Trump et des centaines d’articles. Je suis tributaire de toutes les recherches qui ont été effectuées par d’autres journalistes et d’autres auteurs. L’originalité de mon livre est que j’essaie d’en tirer une synthèse.

Je veux aussi lier le psychologique au politique et à la question financière pour vraiment aller au cœur du personnage. (...)

il y a le Trump intimidateur. Ce n’est pas une métaphore. Petit garçon, il tapait les petits dans la cour d’école. Au point que son père a dû l’envoyer dans une académie militaire. Le célèbre « art du deal », dont il se vante, est une sorte de sublimation de l’intimidation. Dans chaque accord, il cherche à écraser l’autre ou à le voler. Tout au long de sa carrière, il a escroqué une quantité de gens, il a fraudé le fisc, les banques, les compagnies d’assurance, ses employés, ses collègues, ses avocats, ses clients... Trump fraude tout le monde.

Un autre facteur de dangerosité est lié à son narcissisme. Les psychanalystes parlent de rage narcissique. On le voit chez lui quand il cherche à se venger. (...)

Ce qu’on remarque, c’est qu’il est engagé dans un processus d’autodestruction. Très souvent, il se nuit à lui-même. Un président qui voudrait léguer un héritage, dont tout le monde serait fier, n’agirait pas comme il le fait. Trump donne l’impression de vouloir détruire les États-Unis. Il affirme vouloir rendre sa grandeur à l’Amérique, « Make America Great Again », mais c’est le contraire qui se produit. (...)