Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Trafic d’armes : l’armée et la police n’ont rien voulu voir
#extremedroite #armee #police
Article mis en ligne le 26 décembre 2023
dernière modification le 24 décembre 2023

Les officiers qui le notent en 2023 sont dithyrambiques. « Les résultats se situent au-delà de ce que l’on est en droit d’attendre d’un militaire de son grade et de son ancienneté », écrit un lieutenant du 2e régiment de dragons. « Ayant gagné en maturité et prenant à présent davantage de hauteur de vue sur l’esprit des missions confiées, il pourra accéder à un emploi de niveau supérieur. À suivre avec intérêt », ajoute le capitaine.

Quelques mois plus tard, l’objet de leurs louanges, le caporal Émilien Konofal, est mis en examen et écroué pour « trafic d’armes », en compagnie du capitaine de police Jean-Paul Caviggia, parti à la retraite en mars après avoir passé dix-sept ans dans les services de renseignement. Il leur est reproché également (ils sont présumés innocents) une « association de malfaiteurs terroriste » : un de leurs clients projetait de commettre une action violente.

Lors du coup de filet, la DGSI a saisi chez le jeune militaire, l’espion à la retraite et leurs clients, la plupart appartenant à l’extrême droite radicale, 89 armes de poing ou d’épaule. Une affaire symptomatique d’un phénomène : il y a deux ans, Mediapart révélait un rapport du parquet général de Paris qui constatait que, « contrairement aux affaires djihadistes récentes », les nervis de la mouvance n’éprouvaient aucune difficulté à se procurer des armes. Un constat partagé au niveau européen. Un rapport d’Europol démontrait en 2019 que les groupuscules d’extrême droite investissaient dans l’achat d’armes et la confection d’explosifs. Mais jamais encore en France une filière aussi productive n’avait été démantelée.

Au-delà de son ampleur, l’enquête sur ce trafic d’armes établit que les collègues du militaire et du policier étaient au courant, au minimum, du commerce illicite de l’un et de l’idéologie néonazie de l’autre.

À l’armée, le trafiquant d’armes devient... armurier (...)

Le caporal Konofal ne se cache pas trop au sein de la caserne de faire le commerce d’armes illégales et cela ne l’empêche pas de se voir confier un poste à… l’armurerie du 2e escadron du 2e régiment des dragons. Et justement certaines grenades qu’il a vendues à un particulier ressemblent furieusement à celles en dotation chez les dragons.

La DGSI va enquêter pour déterminer si les grenades et d’autres armes vendues à des nervis de l’extrême droite radicale proviennent de l’armée française. (...)

Résumons : ses frères d’armes savent qu’Émilien Konofal manifeste des idées d’extrême droite radicale, de la sympathie pour la Russie de Vladimir Poutine avec laquelle la France est en froid, qu’il vend illégalement des armes à qui en veut alors qu’il est en poste à l’armurerie du régiment, et personne ne s’inquiète de son cas ? (...)

Voilà un officier de renseignement qui, sous les yeux de ses collègues, fraternise avec ses sources parmi d’anciens combattants SS, qui se vante d’avoir fait au cours de sa carrière de la publicité pour ses opinions rances, en toute impunité.

Comme dans le cas d’Émilien Konofal au sein de son régiment, la conversion de Caviggia au nazisme était connue de ses collègues. (...)

Lorsqu’elle a rendu son rapport le 6 juin 2019, la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la lutte contre les groupuscules d’extrême droite en France avait pris soin de placer au premier rang de ses 32 recommandations : le « suivi des membres ou anciens membres des forces armées ou de sécurité intérieure impliqués dans des groupes d’ultradroite ».

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Un cadre des services de renseignement confie à Mediapart son inquiétude (...)