Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Infomigrants
"Sur la route, les passeurs mangent notre argent" : un migrant guinéen dénonce les mensonges des trafiquants
#Guinee #Algerie #Libye #Tunisie #passeurs
Article mis en ligne le 11 novembre 2025
dernière modification le 7 novembre 2025

Ibrahim (prénom d’emprunt) est sur la route de l’exil depuis six ans. Ce Guinéen de 23 ans est passé par l’Algérie, la Libye et la Tunisie avec l’espoir de traverser la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. À chaque étape de son périple, que ce soit dans le désert ou en mer, il a été confronté aux mensonges des passeurs. Il revient pour InfoMigrants sur les arnaques des trafiquants.

"Les mensonges des passeurs, ça commence dès qu’on quitte notre pays. En partant de Guinée, je suis allé par mes propres moyens à Bamako [capitale du Mali, ndlr]. C’est dans cette ville que la prise de contact avec les réseaux de trafiquants se fait.

Certains migrants payent l’ensemble de leur voyage à Bamako : le prix comprend le trajet jusqu’aux côtes nord-africaines et la traversée de la Méditerranée.

Mais dès que tu arrives à Gao [au nord du Mali, ndlr], souvent tu dois repayer 40 000 francs CFA [environ 60 euros, ndlr]. Car le passeur que tu rencontres là-bas te dit qu’il n’a pas reçu l’argent... Donc si tu veux continuer ton voyage, tu dois payer à nouveau.

Sur toute la route, on est arnaqués par les passeurs. Au départ à Gao, tu débourses 90 000 ou 100 000 francs CFA [environ 150 euros, ndlr] pour aller jusqu’à Alger ou Oran mais au final, tu peux dépenser jusqu’à 300 000 francs CFA [environ 450 euros, ndlr] pour rejoindre le nord de l’Algérie.

En réalité, tu payes au fur et à mesure de l’avancée du trajet. Par exemple, lorsque tu parviens à atteindre la région de Tamanrasset [au sud de l’Algérie, ndlr], il peut arriver que les trafiquants te lâchent à 150 km de la ville, dans le désert. Le réseau est bien organisé : ils appellent d’autres personnes en disant qu’ils ont laissé un groupe de migrants à tel endroit. Ensuite, ces personnes viennent et te disent qu’il faut payer 3 000 dinars algériens [environ 20 euros, ndlr] pour [sortir du désert] et poursuivre ton chemin.

De l’Algérie à la Libye

Quand on quitte l’Algérie pour aller en Libye, le passeur n’explique pas comment va se dérouler le voyage. Il te rassure en disant que tu vas arriver rapidement à destination, sain et sauf. Mais quand tu prends la route, ce n’est pas la même chose, tu fais face à des difficultés et des dangers auxquels tu n’étais pas préparé.

Le passeur ne dit pas qu’il va falloir plusieurs véhicules mais pour rejoindre le nord de la Libye depuis l’Algérie, j’ai emprunté au moins huit voitures et j’ai voyagé pendant quatre jours ! Alors que je pensais prendre un bus ou une seule voiture. En réalité, on change plusieurs fois de convois et de chauffeurs. On est cachés dans les coffres, on ne voit pas la route, il peut y avoir des bâches sur nous. Tout cela, on ne te le dit pas au départ. (...)

Et puis, quand on quitte l’Algérie, on part sans eau ni nourriture car on pense que le trajet ne durera que plusieurs heures.

La route migratoire africaine pour entrer en Algérie, en Tunisie ou en Libye, se fait souvent après une traversée du désert du Sahara. Les migrants y sont parfois abandonnés par les passeurs. Leur chance de survie est quasi nulle, quand ils sont perdus au milieu de nulle part sous des températures extrêmes et sans eau.

C’est effrayant car je ne parle pas l’arabe donc je ne pouvais pas poser de questions. En plus, les chauffeurs sont armés donc on n’ose rien dire. On est en plein désert, on n’a pas d’autre choix que de suivre. On ne nous dit rien jusqu’à l’arrivée à Tripoli.

Cela peut aussi arriver que des migrants se retrouvent dans des prisons clandestines dans le désert, ou que des trafiquants attaquent les convois une fois passé la frontière avec la Libye.

La traversée de la Méditerranée

Pour traverser la Méditerranée aussi, les passeurs disent n’importe quoi. (...)

On paye entre 50 et 80 euros pour avoir un gilet de sauvetage mais quand on arrive au bord de l’eau, il n’y en a pas.

Et, encore une fois, on n’ose rien dire car les passeurs sont armés. Même si tu as peur de monter dans le bateau car il est surchargé, les trafiquent te forcent à monter dedans. (...)