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Sinistrés par les flammes, ils sèment pour refleurir les Corbières et changer de modèle agricole
#Corbieres #incendies #agriculture
Article mis en ligne le 6 novembre 2025
dernière modification le 30 octobre 2025

Trois mois après les incendies qui ont ravagé 17 000 hectares dans l’Aude cet été, des habitants agissent pour reverdir et régénérer le territoire. Une grande chaîne de solidarité se met en place pour ces semis d’automne.

« Il y a eu les actions d’urgence par rapport au sinistre où on a multiplié les chantiers solidaires participatifs. On entre maintenant dans une phase de régénération avec l’ambition de reconstruire les Corbières différemment. » Nicolas Mirouze est vigneron au cœur de la zone ravagée par les incendies cet été dans l’Aude. Voilà maintenant trois semaines qu’il a engagé avec les membres du tiers-lieu paysan Beauregard une campagne d’actions pour refleurir les Corbières. Ils sont pour l’instant plusieurs dizaines – habitants, bénévoles, agriculteurs, chasseurs – à montrer qu’il est possible d’agir sur le territoire.

« Il s’agit à court terme d’apporter un couvert végétal aux friches et à ce qui a brûlé », explique l’agriculteur. En effet, les sols mis à nu par les incendies sont particulièrement sensibles à l’érosion. Comme l’eau s’infiltre moins, les prochaines pluies, même modérées, pourraient entraîner des inondations et des glissements de terrain. « Un processus de dégradation pourrait alors s’enclencher : le feu, qui appelle l’érosion, qui entraîne une aridification, qui appelle le feu suivant », met en garde le tiers-lieu paysan. La perspective de ce sinistre scénario est, à terme, la désertification.

À l’inverse, « en semant, on régénère les sols », souligne Nicolas Mirouze. En effet, les variétés annuelles, en germant cet automne, vont retenir les sols mis à nu par les feux en cas de fortes pluies. « Et c’est aussi un premier pas vers l’élevage : les surfaces semées cet automne pourront être pâturées au printemps, ajoute l’homme. C’est une solution pour les éleveuses et éleveurs qui ont perdu leurs pâturages ou leurs stocks de foin avec les incendies. » (...)

« Besoin de beaucoup de cerveaux et de bras »

Si des milliers d’hectares ont besoin d’être restaurés, l’opération « refleurir les Corbières » cible d’abord les friches viticoles. Dans le département de l’Aude, la moitié des surfaces viticoles ont été arrachées en 40 ans dans le cadre des politiques publiques agricoles. Des subventions à l’arrachage visaient à régler le problème de la surproduction. « Ça n’a pas réglé le problème et le drame, c’est que ça s’est fait sans projet alternatif de production, déplore Nicolas Mirouze. Ces terres abandonnées avec de grandes broussailles ont été un vecteur de propagation de feu. »

Toutes ces friches appartiennent aujourd’hui à des propriétaires qui sont essentiellement des viticulteurs. « On ne jette pas la pierre aux viticulteurs, mais on interpelle les pouvoirs publics sur le fait que ces terres sont à l’abandon, précise Nicolas Mirouze. C’est un impensé des politiques publiques. » (...)

Dans ce territoire de l’Aude où la monoculture de vignes a longtemps été présentée comme le seul horizon, les mentalités évoluent sur l’élevage extensif qui apparaît désormais comme une façon de prévenir les feux. « Jamais on a parlé d’élevage comme on en parle aujourd’hui », relève Nicolas Mirouze, évoquant les échanges avec la chambre d’agriculture et des communes intéressées par cette approche. (...)

« Il faut engager celles et ceux qui habitent le territoire dans cette transformation. Dans notre modèle d’agriculture paysanne, on a besoin de beaucoup de cerveaux et de bras. Remplacer les intrants et la chimie en agriculture, ça se fera en engageant des travailleurs. Il faut embarquer ! »