
Quatre experts mandatés par l’ONU se sont alarmés de « l’absence de dialogue » et de « l’usage excessif de la force » en Nouvelle-Calédonie, dans un texte publié mardi 20 août. Si plusieurs passages de leur déclaration méritent d’être questionnés (voir encadré ci-dessous), l’insurrection indépendantiste et sa répression continuent indéniablement, trois mois après les premiers affrontements, de secouer le pays. (...)
dans l’archipel de 300 000 habitant·es, plus de 700 entreprises ont été partiellement ou totalement détruites, pour des dégâts estimés à près de 1,5 milliard d’euros. Plus de la moitié des 65 000 salarié·es du secteur privé ont fait l’objet d’une demande de chômage partiel. Déjà mal en point avant le 13 mai, les trois usines métallurgiques sont au plus mal. (...) La liste est sans fin.
Le risque d’« émeutes de la faim »
« Les dominos commencent à tomber, et ce n’est que le début. Si l’État ne fait rien, le pays va s’effondrer », alerte le loyaliste modéré Philippe Michel, qui craint « des émeutes de la faim » dans un futur proche, dès que les fonds du chômage partiel auront été épuisés. Son parti, Calédonie ensemble, a présenté mardi 20 août au Congrès de la Nouvelle-Calédonie un « plan quinquennal de reconstruction et d’accompagnement de la Nouvelle-Calédonie par l’État pour éviter la mort économique et sociale du pays ».
Ce plan de sauvetage et de reconstruction coûterait 4,2 milliards d’euros. Seul l’État est capable de la payer. De plus, le président de la République est largement jugé responsable de la situation actuelle. (...)
Quel que soit le poids des responsabilités de l’État, inscrire 4 milliards d’euros dans le prochain projet de loi de finances ne serait pas une mince affaire, même pour un exécutif de bonne volonté. « Si la Nouvelle-Calédonie n’est pas une priorité du prochain gouvernement, on court à la catastrophe », insiste Philippe Michel. (...)
L’action réparatrice de l’État est jugée urgente par l’ensemble des formations politiques locales, mais la résolution portée par Calédonie ensemble a été accueillie avec une certaine réserve par le Congrès, y compris dans le reste du camp loyaliste. « Il ne suffit pas d’avoir des fonds. Il faut être sûr que ce qu’ont subi les Calédoniens ne se reproduise plus jamais », a estimé Virginie Ruffenach (Les Républicains) au micro de Nouvelle-Calédonie La 1ère, jugeant plus sage de parvenir à un « accord politique global », de façon que les éventuels milliards dédiés à la reconstruction ne partent pas en fumée, eux aussi. (...)
Fondateur de la Cellule de coordination de terrain (CCAT), bras armé des mobilisations depuis fin 2023, le parti s’est présenté devant la presse pour la première fois depuis le début de l’insurrection, mercredi 21 août, pour marteler ses exigences : selon lui, un calendrier d’accession à l’indépendance doit être acté d’ici au 24 septembre 2025.
Dans l’immédiat, les « prisonniers politiques » incarcérés en métropole doivent être libérés, ou du moins rapatriés. Le nom du premier d’entre eux, Christian Téin, sera proposé par l’Union calédonienne fin août, lors du congrès du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), pour la présidence de la coalition indépendantiste – ce qui promet des débats houleux. Et sur la question des relations avec les deux camps, ils demandent que l’État montre au plus vite une nouvelle attitude. (...)
« Il faut revenir à 1988 », année des accords de Matignon, qui a mis un terme à quatre années de guerre civile. « Il faut revenir à l’impartialité pour préserver la paix », énonce Roch Wamytan, président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, cadre de l’UC, qui rappelle les grandes « fautes » commises par le président de la République depuis 2021 (...)
Emmanuel Macron est-il capable de se renier aussi spectaculairement, et aussi rapidement qu’exigé ? (...)
« Il ne faudrait pas que l’on verse dans une situation comme celle qu’a connue l’Algérie. On a des indicateurs qui nous permettent de dire qu’on n’est pas à l’abri de ça. Le pays peut s’enflammer », assure Charles Washetine. (...)
Il est encore temps de prendre des décisions en faveur d’une paix durable, veut croire Milakulo Tukumuli. « Mais encore faut-il que nous faisions partie des priorités du prochain gouvernement. Il y a l’Ukraine, Gaza, les dossiers nationaux… J’ai peur que le dossier calédonien soit remis dans le tiroir. Ce serait catastrophique. »