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"Si je pouvais revenir en arrière, je n’aurais jamais fait le voyage avec ma famille" : un père raconte la mort de son fils en mer Egée
#migrants #immigration #naufrages #merEgee #SoudanduSud
Article mis en ligne le 27 juillet 2025
dernière modification le 24 juillet 2025

Sistnol Michael a perdu l’un de ses fils, décédé lors de la traversée de la mer Egée entre la Turquie et la Grèce. Avec sa famille, il a cherché à échapper aux persécutions politiques dans sa ville natale de Malakal, au Soudan du Sud.

Dans un camp de réfugiés sur l’île grecque de Leros, en mer Egée, Sistnol Michael est inconsolable. Père de trois enfants, son voyage vers l’Europe a été un long et tragique cauchemar.

Avant d’arriver en Europe, Sistnol dirige sa propre entreprise à Malakal, au Soudan du Sud, près de la frontière avec le Soudan. Puis sa vie bascule.

"J’ai été arrêté à plusieurs reprises pour des motifs arbitraires et tribaux. Ils arrêtaient toute personne de ma tribu qui cherchait à rejoindre la rebellion", explique-t-il à InfoMigrants lors d’un appel vidéo depuis Leros.

"J’étais commerçant et je n’avais rien à voir avec la politique", rappelle-t-il. Sistnol se réfugié à Khartoum, mais son sentiment d’insécurité persiste.

En 2019, il se rend en Ouganda, où il est enregistré comme réfugié. Sistnol s’installe à Entebbe, près de Kampala, la capitale. Il poursuit ses activités, mais se retrouve une nouvelle fois menacé par les autorités.

La même année, il prend la décision de partir en Europe. Comme des milliers d’autres personnes qui se lancent sur la dangereuse route de l’exil, la quête de sécurité se paie au prix fort.

"J’ai constamment vécu dans la peur" (...)

"J’ai déposé quatre plaintes auprès des Nations unies, mais je n’ai pas trouvé la protection que j’espérais. Alors, même si je me suis senti à l’aise et stable en Ouganda, j’ai décidé de partir." (...)

"Après notre arrivée en Turquie, ma famille et moi avons commencé à être harcelés de manière répétée par la police turque. À l’hôtel, ils ont soudainement frappé à la porte et nous ont arrêtés. Cela s’est produit à plusieurs reprises. Une fois, ils m’ont emmené dans un centre de détention pour migrants."

Sistnol y rencontre un autre migrant africain qui lui conseille d’atteindre l’Europe en passant par la Grèce.

Il l’aide à réserver un taxi qui l’emmène, lui et sa famille, à un point d’embarcation pour traverser la mer Egée.

"Nous sommes montés à bord du bateau. Après environ cinq heures en mer, nous avons été interceptés par les garde-côtes. C’étaient des soldats. Ils ont pris nos téléphones et nous ont dit qu’ils avaient contacté les garde-côtes turcs, qui étaient en route", raconte-t-il. (...)

"J’ai essayé de leur parler plusieurs fois, mais ils nous ont laissés dans le bateau et nous ont abandonnés. Ils m’ont demandé d’appeler les garde-côtes, ce que j’ai fait, avec le téléphone d’une femme handicapée qui se trouvait à bord. Au bout d’un moment, ils sont arrivés et nous ont emmenés directement en prison", se soutient-t-il.

"Au bout de sept jours, nous avons été libérés en raison de l’état de santé de ma femme enceinte. Puis, après l’accouchement, ils nous ont de nouveau enfermés".

Sistnol poursuit : "Six mois plus tard, nous avons de nouveau essayé d’embarquer sur un autre bateau. Cette fois, nous avons réussi et nous nous sommes approchés de la terre ferme. Soudain, un navire des garde-côtes grecs est apparu. Pris de peur, nous avons sauté dans l’eau, pour ne pas être refoulés." (...)

Il explique avoir "perdu connaissance", alors qu’il tenait ses filles entre ses jambes et on fils de sept ans à côté de lui. "Lorsque j’ai repris mes esprits, j’ai sorti ma fille de l’eau, ma femme et une autre jeune fille."

Sistnol ne se rend pas immédiatement compte de la disparition de son fils. (...)

"Je suis maintenant dans le camp en Grèce, à la recherche de mon fils, et je prie Dieu de le retrouver. J’espère qu’un autre pays nous accueillera, pour le bien de mes enfants et de nos vies", explique Sistnol.

Quelques jours plus tard, il contacte InfoMigrants : Sistnol venait d’apprendre la mort de son fils, retrouvé mort près de la côte turque.

Sa voix est brisée par le chagrin. "Si je pouvais revenir en arrière, je n’aurais jamais fait le voyage avec ma famille. Jamais."