
Savez-vous, Monsieur Macron, qu’on peut mourir de chagrin ?
Je ne vous parle ni de poésie, ni d’une métaphore.
Je vous parle du réel, de ce réel qu’il vous semble si difficile de ne serait-ce qu’entrapercevoir, si fort puisse-t-il frapper à toutes les portes que vous prenez soin de garder bien fermées.
Je vous parle du cœur d’une femme, mère de deux filles, qui a dénoncé les agressions commises sur elles par le beau-fils du père au sein d’un autre foyer.
Et ce grand cœur, qui ne battait plus que pour protéger les plus petits auxquels il avait donné la vie, la justice l’a dépecé. En ne la croyant pas, et en lui retirant la garde de ses petites, pour la confier au père, dont le foyer était le lieu des agressions qu’elle dénonçait.
Ses filles, elle ne les a pas vues pendant trois ans. Imaginez-vous Monsieur Macron, ce que peut être pour une mère, de ne pas voir ses enfants pendant trois ans, et de les savoir dans un lieu où elles sont en danger, sans avoir le droit de les approcher ?
Ses filles, j’ai lu quelque part qu’elle n’aura en tout pu les voir que trente heures en quatre ans. (...)
Et alors que l’avocate de cette mère venait d’obtenir la reprise des visites qu’on dit médiatisées – un dispositif permettant à des personnes séparées par décision de justice de se rencontrer en présence d’un tiers ; parce que le danger ici, a dit la justice, c’était la mère – le père, pour la troisième de ces visites, a décidé de ne pas amener ses filles.
Alors le cœur battant de Souad a arrêté de se battre, et s’est arrêté de battre.
Le cœur vaillant de Souad, Monsieur Macron, a été victime du syndrome du cœur brisé, cette altération cardiaque provoquée par un choc émotionnel, alors que tout autour est intact.
Mais le cœur sans faille de Souad, Monsieur Macron, a d’abord été victime d’une justice qui ne croit pas les enfants, qui ne croit pas les mères, qui ne croit pas les femmes. Parce que dans la justice française, le doute bénéficie toujours à l’accusé ; et ce principe est précieux. Mais dans les affaires de violences masculines envers les enfants et les femmes, ce principe est vite détourné au profit de l’agresseur présumé, presque systématiquement protégé. Alors, pour peu qu’on ait une justice acquise à la cause du bon père de famille1, il suffit, même lorsque les preuves sont aussi évidentes qu’accablantes, de dire qu’on doute, ou de le semer, et la justice est expédiée.
La mère protectrice est morte, le père complice jouit de l’impunité. (...)