Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
retranscription du témoignage de Quentin, gravement blessé le 22 février à Nantes - 23 février 2014, 15:33
Article mis en ligne le 24 février 2014

Ca a démarré vraiment quand on s’est retrouvés vers Commerce, au moment où
on devait remonter normalement le cours des 50 otages, ce qui était censé
être le parcours de la manif. Là, il y avait des cars de CRS et des
barrières qui bloquaient tout. Nous quand on est arrivés, direct on s’est
fait gazer. Il y a eu tout de suite des gaz lacrymo qui ont été jetés sur
les gamins, sur tous les gens qui étaient là.

Là c’était la manifestation paisible, normale ?

C’était la manifestation paisible mais il y avait quand même déjà des gens
un peu excités déjà avant, depuis le début de la manif. Donc nous on est
restés un petit peu dans la zone, voir un peu ce qui se passait, et puis
après, sur les conseils des organisateurs et tout, on a continué à
marcher, à aller vers le point de ralliement, l’endroit où c’était fini,
pour qu’il y ait un mouvement et que ça s’essoufle un peu.
Après, il y a eu plusieurs salves d’affrontement, des lacrymos qui
perpétuellement revenaient, lancés par les flics. Et moi, ce qui m’est
arrivé, c’est à la fin, on était vers la place Gloriette, entre Gloriette
et l’autre là, là où il y a le café plage, ce rond-point là en fait, près
du CHU justement. Et nous on allait pour se replier, on rentrait, les CRS
avançaient eux, avec les camions et tout le truc, et moi je reculais avec
tout un tas d’autres gens. Je reculais en les regardant pour pas être pris
à revers et pouvoir voir les projectiles qui arrivaient. Et là, à un
moment, j’ai senti un choc, une grosse explosion et là je me suis retrouvé
à terre et, comme ils continuaient à nous gazer, ils continuaient à
envoyer des bombes assourdissantes alors que j’étais au sol, des gens ont
essayé de me sortir le plus vite possible, de m’emmener plus loin aussi.
Et puis après je sais pas trop, on m’a mis dans une... les pompiers m’ont
emmené quoi.

Et donc, on dit que tu as reçu une grenade assourdissante qui, au lieu
d’être tirée en l’air, a été tirée de façon horizontale, dans ton œil ?

Je l’ai prise directement dans le visage. Elle a explosé dans mon visage.
Vu ce que ça a fait... Elle a explosé là et c’est comme ça que moi je l’ai
ressenti, quoi. Le choc, ça a été un bruit et une douleur extrêmement vive
sur le coup, puis bon moi je me suis écroulé. C’est vrai que c’était assez
violent j’ai trouvé. Il y avait, de la part des manifestants, des gens qui
voulaient absolument lancer des trucs sur les CRS mais les CRS, eux,
gazaient n’importe qui. Et ils visaient, au flash ball, ils étaient
cachés, on les voyait viser, suivre des gens qui marchaient ou qui
couraient en face pour aller se mettre à l’abri. Ils les visaient, les
suivaient et shootaient, quoi. et ils visaient pas les pieds. On a vu la
façon dont ils tiraient, c’était très... c’était ciblé.

Et toi tu étais là, en manifestant paisible, tu n’étais pas armé, tu
n’avais rien dans les mains ?

J’étais pas armé, j’avais pas de masque à gaz, j’avais pas de lunettes de
protection. On était là pour répondre au rassemblement d’une manifestation familiale, festive, on était là pour faire masse, pour faire du nombre. Et après, c’est vrai que je suis resté même s’il y avait les lacrymos, parce que je trouvais ça injuste et qu’il fallait rester. Y’avait des gens, y’avait des pères de
famille, y’avait des anciens, y’avait un petit peu de tout et voilà, moi
je voulais rester aussi avec les gens pour montrer qu’on était là mais sans...

(Quentin n’a plus d’oeil gauche)