Pierre-Louis Bras, ex-président du Conseil d’orientation des retraites (COR), est l’invité de Sonia Devillers. Après des semaines de rumeurs, il a été démis de ses fonctions en octobre dernier. Il revient sur son éviction.
"Ce n’est jamais agréable de devoir arrêter un travail passionnant" : en octobre, Pierre-Louis Bras, qui a dirigé le Conseil d’orientaton des retraites (COR) pendant huit ans, a été débarqué. "Mais il y a des choses plus graves qui arrivent, dans la République, personne n’est propriétaire de ses fonctions", rappelle-t-il.
"Clairement, le gouvernement a voulu, pour construire sa réforme des retraites, construire un discours dramatisant, autour de la France qui vieillit" et donc du besoin de repousser l’âge de départ, explique Pierre-Louis Bras. "Il se trouve que cette histoire ne correspondait pas parfaitement à ce qui ressort des travaux du COR. Et moi j’ai simplement traduit, reproduit, ce que disaient les rapports du COR, d’où la tension".
"Pour le gouvernement, ce n’était pas une découverte"
Car selon lui, même s’il est indéniable que le pays vieillit, avec "1,4 cotisant pour un retraité en 2050" au lieu de 1,7 aujourd’hui, "les dépenses ne dérapent pas parce qu’on va donner moins à chacun des retraités demain, relativement à ce que gagnent les actifs. Ces deux forces sont contradictoires et elles aboutissent à une stabilisation voire une diminution de la charge des retraites".
Mais pendant ses neuf années de présidence du COR, Pierre-Louis Bras ne s’est presque pas exprimé dans la presse. C’est devant la Commission des Finances de l’Assemblée nationale qu’il explique que "ça ne va pas déraper" : instantanément, cette séquence est découpée, reprise par les adversaires de la réforme. "Le gouvernement n’a pas fait de pression directe. Il est représenté au sein du COR, donc le gouvernement les connait parfaitement. Pour eux, ce n’était pas une découverte".
"C’est d’un choix sociétal dont on aurait dû discuter" (...)
Débarrassé de son devoir de réserve, puisqu’il n’est plus président du COR, s’estime-t-il comme opposant à la réforme ? "Sur cette réforme, il est clair que si on repousse l’âge, il y a plus de gens qui travailleront, on produira plus et on sera plus riches. En contrepartie, il y aura moins de temps libéré pour les loisirs ou pour s’occuper des parents dépendants, des petits-enfants. C’est ça, le choix sociétal dont on aurait dû discuter. Mais ce choix, il dépend des préférences de chacun", et ne doit pas se faire sous une injonction de "ça va être la faillite", assure-t-il. (...)