
Les trente Français membres de la flottille Global Sumud pour Gaza sont rentrés en France mardi. Ils témoignent de violences et d’humiliations commises par les autorités israéliennes. Et déplorent l’absence de soutien de la France.
Tous les membres français de la flottille, au nombre de trente, ont été libéré·es par Israël lundi 6 octobre. Ils ont d’abord pris un avion pour Athènes (Grèce) dans la soirée, avec 171 des 431 membres de la flottille Global Summud pour Gaza, dont la suédoise Greta Thunberg. (...)
Auparavant, ils et elles ont été détenu·es près de cinq jours dans la prison israélienne de Ketziot après que leurs 44 bateaux ont été interceptés dans la nuit du mercredi 1er au jeudi 2 octobre par l’armée israélienne. L’un des bateaux, le Mikeno, est parvenu à entrer dans les eaux territoriales de Gaza, réussissant à s’approcher à une dizaine de kilomètres de la côte.
Humiliations en prison
À leur arrivée, les membres de la flottille ont fait état des violences commises par les soldats. « On a été pour certains battus. J’ai été battue au moment de me mettre dans le fourgon, par deux policiers », a témoigné Rima Hassan. « À notre arrivée au port d’Ashdod, on a eu une première séquence d’humiliation. Nous sommes restés assis par terre pendant une heure trente. Mon écharpe parlementaire a été jetée par des officiers de l’armée, puis piétinée par des soldats », a complété François Piquemal.
Rima Hassan a montré aux photographes et aux caméras un collier de noyaux d’olives. Elle l’a trouvé dans sa cellule, ainsi que de très nombreux messages laissés par les prisonniers palestinien·nes les ayant précédés. « Sur les murs, ils ont marqué les dates de leur interpellation, le nombre de leurs changements de prison. Il y avait des impacts de balles dans les murs. On a vu une tache de sang. »
« Nous ne sommes pas là pour nous plaindre. Ce que nous avons vécu nous permet simplement d’imaginer ce que vivent les Palestiniens », estime Réva Seifert Viard, le skippeur du Mia Mia. Son bateau est l’un des cinq derniers à avoir été interceptés : « On a passé la nuit à naviguer entre les attaques des navires israéliens. »
Finalement, ils ont été arrêtés à 6 heures du matin : « Ils ont utilisé des canons à eau. L’interpellation a été musclée. Ils nous ont fait des doubles clés de bras, ils nous ont jetés au sol. J’ai reçu un coup de pied parce que je ne regardais pas assez par terre. »
Comme tous les membres de la flottille, le skippeur a fait une grève de la faim : « On ne voulait rien recevoir de la part des Israéliens. » Ceux-ci les ont privés de sommeil : « Ils criaient tout le temps, allumaient la lumière toutes les quinze minutes. Ils nous ont changés de cellule trois fois dans la nuit. On s’est retrouvés à 18 dans une cellule pour 9 personnes. » (...)
Les personnes qui avaient des traitements médicaux en ont été privées, témoigne encore Réva Seifert Viard : « Dans ma cellule, une personne était diabétique, une autre avait des traitements psychotropes. Ils en ont été privés. Pour protester, on a arraché la fenêtre de notre cellule. En réponse, des soldats surarmés, avec des chiens, nous ont mis en joue. » (...)
Le médecin, qui a travaillé en 2024 à l’hôpital européen de Khan Younès dans le sud de Gaza, a reçu dans sa cellule « la visite de l’excellent ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, à 3 heures du matin ». « Il nous a traités de nazis, de tueurs d’enfants. On lui a dit que ce qui s’était passé le 7 octobre [2023] était atroce, mais qu’ils n’avaient pas le droit de faire ce qu’ils font en retour. »
Sur les réseaux sociaux, Itamar Ben Gvir s’est mis en scène dans une vidéo, paradant devant des détenus assis, le 5 octobre : « J’étais fier que nous traitions les “militants de la flottille” comme des partisans du terrorisme. Ceux qui soutiennent le terrorisme sont des terroristes, et ils méritent d’être traités comme tels. » (...)
Les Français ont fait partie de la toute dernière vague de libération des prisonniers par Israël. Pour Emma Fourreau, ce n’est pas un hasard. « Les Italiens ont été exfiltrés immédiatement, ils n’ont pas été emprisonnés, parce que leur pays est intervenu en leur faveur. La France n’a rien fait, elle n’a pas condamné notre interpellation dans les eaux internationales, qui était illégale. » L’eurodéputée y voit la preuve que « la mobilisation paie. On a une prise sur Israël, mais il faut une volonté politique ».
À leur arrivée à Athènes, les Français·es ont encore pu constater l’absence de mobilisation de la diplomatie française. Tous et toutes étaient sans bagage, téléphone ou argent. Les ressortissants d’autres pays ont été pris en charge par leurs représentants consulaires. Les Français·es ont dû se débrouiller seul·es.
Penser « la suite »
Il y avait peu de monde à l’aéroport d’Orly ce mardi 7 octobre, une petite centaine de personnes, pour accueillir la délégation française de la flottille. Ce calme tranche, là encore, avec l’accueil reçu à Athènes. (...)
Les Français ont fait partie de la toute dernière vague de libération des prisonniers par Israël. Pour Emma Fourreau, ce n’est pas un hasard. « Les Italiens ont été exfiltrés immédiatement, ils n’ont pas été emprisonnés, parce que leur pays est intervenu en leur faveur. La France n’a rien fait, elle n’a pas condamné notre interpellation dans les eaux internationales, qui était illégale. » L’eurodéputée y voit la preuve que « la mobilisation paie. On a une prise sur Israël, mais il faut une volonté politique ».
À leur arrivée à Athènes, les Français·es ont encore pu constater l’absence de mobilisation de la diplomatie française. Tous et toutes étaient sans bagage, téléphone ou argent. Les ressortissants d’autres pays ont été pris en charge par leurs représentants consulaires. Les Français·es ont dû se débrouiller seul·es.
Penser « la suite »
Il y avait peu de monde à l’aéroport d’Orly ce mardi 7 octobre, une petite centaine de personnes, pour accueillir la délégation française de la flottille. Ce calme tranche, là encore, avec l’accueil reçu à Athènes. « L’aéroport Héraklion était plein, la population était là », raconte, émue, Théo, présente à Paris, mais de nationalité grecque. Comment explique-t-elle la faible mobilisation en France ? Elle montre les policiers à Orly qui filtrent l’accès au hall d’aéroport. « Et ils ont fait exprès de diviser le groupe dans plusieurs avions. Même les manifestations en soutien ont été réprimées, comme à Toulouse. » (...)
Pascal André a vu quelques lueurs de compréhension de leur combat, dans les yeux d’un capitaine de navire, dans celui d’un juge. Pour lui, c’est un espoir : « Il ne faut surtout pas réagir en miroir de leur brutalité. »
Mais pour le médecin, le plus « extraordinaire » est ce qu’il a vécu dans les cellules, avec les prisonniers de toutes nationalités : « On ne s’est pas ennuyés une seconde, on a échangé, pensé la suite, qui doit être un projet européen. » (...)
Lire aussi :
– (L’Humanité)
« La presse nous a lâchés » : le témoignage d’Emilien Urbach, notre journaliste de retour des geôles Israéliennes
Le journaliste de l’Humanité Émilien Urbach, retenu depuis le 2 octobre en Israël, a été libéré. Le silence de la presse nationale sur la Flottille et le sort des journalistes embarqués est assez désolant et inquiétant.
Ils étaient 430 militants, venus de 13 pays, à être arraisonnés et arrêtés illégalement par l’armée israélienne les 1er et 2 octobre derniers. À ce jour, il resterait encore 36 à 38 membres de la Flottille Global Sumund prisonniers en Israël, pour avoir osé défier le blocus contre Gaza, et tenté d’apporter de l’aide humanitaire à la population. Le tout dans un silence médiatique effarant en France. Lundi, lors de la soirée de soutien au journaliste de l’Humanité Émilien Urbach, et aux membres de la Flottille, nombreux sont les représentants qui ont souligné ce scandaleux silence.
À commencer par Dominique Pradalié, la représentante de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), qui a salué le courage des 20 journalistes de la Flottille. « Ils sont l’honneur de la presse mondiale, et ils l’ont porté très haut, cet honneur », a-t-elle déclaré avec émotion, tout en soulignant la qualité du travail de l’Humanité sur Gaza. Avec la FIJ, elle s’inquiète de cette « guerre déclarée aux journalistes dans le monde entier ». (...)
« Ce n’est pas une aventure gauchisante ni un soutien du Hamas »
Ce silence médiatique est une tombe pour ceux qui ont le courage de témoigner. « Émilien est parti en tant qu’observateur pour faire son métier », a relevé Fabien Gay, directeur de l’Humanité. « Il a été observateur, mais aussi un des acteurs. Parce qu’il est un homme et un journaliste engagé. Comme partout dans la maison, nous ne savons pas rester les bras ballants » devant l’histoire, a-t-il continué.
Jean-Noël Barrot, le ministre démissionnaire des Affaires étrangères, a dit en juillet que la presse devait accéder à Gaza : « Nous l’avons donc pris au mot. Ce n’est pas une aventure gauchisante ni un soutien du Hamas. Partout dans le monde, des gens épris de liberté et de droit international font pression pour lever le blocus, apporter de l’aide humanitaire », a-t-il martelé. (...)
À noter les présences de Carine Fouteau, directrice de la publication de Mediapart, tout comme Pablo Aiquel du SNJ-CGT, Laurent Brun, administrateur de la CGT, membre du bureau confédéral, Ian Brossat, sénateur de Paris, et Stéphane Peu, député de Seine-Saint-Denis.
Amnesty International
Pétition Génocide à Gaza : la France doit mettre fin à l’impunité d’Israël