Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Club de Mediapart/ Sabrina Kassa Journaliste, éditrice et responsable éditoriale aux questions raciales
« Responsable éditoriale aux questions raciales », pour quoi faire ?
#racisme #Mediapart
Article mis en ligne le 2 octobre 2024
dernière modification le 26 septembre 2024

Mediapart a décidé de créer début septembre une fonction de « responsable éditoriale aux questions raciales », inspiré du poste dédié aux questions de genre, créé en 2020, au sein de la rédaction. L’objectif : veiller aux éventuels biais racistes dans nos contenus et nos pratiques journalistiques et développer notre couverture sur ces sujets.

Parler de « race » aujourd’hui en France suscite des polémiques sans fin, alors que le racisme se déchaîne et se propage dans toutes les sphères de la société, et de la politique. Le mot est tabou, il a même été rayé de la Constitution au nom des valeurs qui sont censées nous animer.

Mais alors comment décrire le racisme, si nous ne pouvons pas nommer – ni mesurer – les expériences vécues par celles et ceux qui subissent des oppressions raciales liées au fait d’être perçus, et traités, comme « Arabe », « Noir », « Asiatique », etc. ? Comment décrire les hiérarchies raciales si le mot « Blanc » est interdit du vocabulaire ? (...)

Cette nouvelle fonction, que j’ai la chance d’occuper – inspirée par ce qui existe à la rédaction de l’AFP et aussi au New York Times – contribue à un travail sur lequel Mediapart est déjà très investi depuis de longues années, que ce soit dans le champ des violences policières, la haine ordinaire, les discriminations, les débats sur les questions décoloniales, ou encore la mise en valeur d’angles morts de la société (...) Sans oublier l’apport précieux des contributions extérieures du Club (...)

Premier chantier : les mots

Le mot « race » fait peur. Nous le savons bien.

Il évoque l’esclavagisme, le colonialisme, le nazisme. Il est même l’objet d’une répulsion républicaine, tant nous aimons au « pays des droits de l’homme » se croire indifférent à la couleur. (...)

« La bataille » des mots – notre terrain de jeu – est à ce sujet, essentielle. Pour la mener, il faut porter la plume dans la plaie, en parlant plus franchement de la race (la racialisation, la racisation…), la blanchité, les privilèges, etc. Mais avec justesse, et clarté. Ce champ nous intéresse en tant que journalistes – nous comptons élaborer un glossaire et un guide des bonnes pratiques –, car le vocabulaire que nous choisissons détermine ce que l’on s’autorise à regarder et les moyens que l’on se donne pour décrire la société. Ces mots sont donc des outils, mais pas seulement, ils sont aussi l’objet d’une bataille idéologique violente, où les intimidations et les anathèmes font rage. (...)

Deuxième chantier : l’évaluation des biais

Pour pouvoir prendre conscience des biais raciaux, il faut sortir du brouillard des mots, mais aussi prendre conscience des lunettes qui nous font choisir un·e interlocuteur ou interlocutrice, un sujet, un angle, une mise en perspective plutôt qu’une autre. (...)

Ces deux projets éditoriaux seront bientôt suivis d’autres, notamment en lien avec la politique sociale de l’entreprise. (...)