
Quel agenda se cache derrière le nouvel acronyme « DOGE-UN » porté par la nouvelle administration Trump ? Si l’on peut difficilement nier la nécessité de réformer l’ONU, le projet trumpiste repose sur des diagnostics fallacieux.
Face à des critiques et une attitude trumpiste dont on connaît la radicalité et la démagogie, et compte tenu de la très grande distance entre l’ONU et le grand public, il semble nécessaire de se demander si le DOGE-UN signe bel et bien la fin de l’ONU.
S’il faut certes rester prudents face à des processus en cours et des effets d’annonce, il serait scientifiquement et politiquement risqué de prendre à la légère les annonces de la première puissance mondiale. En effet, selon nous, la période actuelle exclut d’emblée deux options : celle de l’indifférence à la critique portée par l’administration Trump au motif que « l’ONU en aurait connu d’autres » (d’autres États, à commencer par les États-Unis s’étant déjà retirés de certaines agences comme l’UNESCO ou l’OIT, mais aussi d’autres scandales, d’autres attaques, d’autres leaders populistes, etc.), mais aussi celle de la sidération face à ce qui serait du « jamais vu » dans la virulence des critiques exprimées à l’encontre des Nations unies.
Cet essai vise donc d’abord à présenter cet agenda de « réforme radicale » de l’ONU, en le réinscrivant dans le temps long de la contestation des organisations internationales par leurs membres, y compris leurs membres fondateurs et pas uniquement les pays du Sud comme on l’imagine souvent, et des crises traversées par ces dernières. Il s’agit aussi de nuancer certains raccourcis, à commencer par la conception monolithique de ce que serait l’ONU qui, comme nous allons le montrer, renvoie à des organisations, des acteurs (étatiques ET non-étatiques), des mandats et des temporalités très différents.
Prendre « au sérieux » le DOGE-UN, c’est montrer que derrière une certaine forme d’absurdité engendrée par l’excès et le caractère fallacieux d’un certain nombre de constats, il tire aussi sa force de toutes ces contestations et critiques accumulées dans le temps, face à une institution multilatérale dont certains organes sont effectivement « paralysés », très (dé)politisés, parfois inefficaces et toujours complexes à réformer, mais aussi mettre à l’épreuve les (fausses) promesses de cet agenda de réforme du multilatéralisme. (...)