
Divers signes de détresse psychologique permettent de repérer les personnes rescapées en grande souffrance : « la prostration, l’isolement et l’incapacité à s’occuper de soi-même sont les plus fréquemment observés sur le navire », selon Anne, médecin à bord qui forme l’équipe aux premiers secours psychologiques.
Des survivant.e.s aux traumatismes multiples
Exil du pays d’origine en raison de violences, d’une famine, d’un conflit armé, de menaces de mort ; périple dans le désert dans des conditions extrêmes ; torture, violences, viol, travail forcé en Libye ; expérience de mort imminente lors de la traversée de la Méditerranée… Pour Anne, médecin à bord depuis 2016, toutes les personnes rescapées sont forcément traumatisées. Les causes sont multiples et ni l’âge ni le genre ne déterminent leur réaction.
« Pour certain.e.s jeunes, la culpabilité d’avoir quitté la maison sans prévenir et causé des inquiétudes aux proches, d’être la cause de rançons extorquées aux parents, de porter la mort d’un membre de la famille en route sont difficiles à assumer. » (...)
Ainsi, lors de la traversée, nous explique-t-elle, un traumatisme important peut se produire lors de la survenue d’accidents ou de décès, mais aussi être causé par la peur de tomber à l’eau, de se noyer ou d’être intercepté.e par les garde-côtes libyens et ramené.e de force en Libye, en détention, dans des conditions parfois pires que celles qu’ils et elles ont déjà connues. C’est ce que nous avons pu constater encore récemment le 13 mars 2024, avec les rescapé.e.s d’une embarcation ayant passé une semaine en mer. « Je me souviens d’un garçon qui cherchait sa petite sœur partout sur le navire, alors qu’il n’y avait aucune femme ni fille vivante parmi les rescapés. » Un autre adolescent voulait se laver les dents en permanence… Un seul d’entre eux a pu raconter quelques éléments de la mort progressive des autres personnes. Les survivants ne parlaient que pour répondre aux questions des membres de l’équipe par monosyllabes. On sentait un regard vide, perdu…
Pour accompagner ces personnes polytraumatisées, tout l’équipage est formé aux premiers secours psychologiques selon le principe des trois L : « Look, Listen, Link » (observer, écouter, créer du lien). (...)