
À moins d’un mois de l’entrée en application de la législation européenne sur la liberté des médias, qui impose aux États membres des obligations de sauvegarde des médias de service public, Reporters sans frontières (RSF) alerte sur les menaces qui pèsent sur l’audiovisuel public au sein de l’Union européenne. À travers le rapport “Pressions sur les médias publics : un test décisif pour les démocraties européennes”, l’organisation esquisse des scénarios, certains heureux, d’autres funestes, et appelle à un sursaut européen pour réinventer le service public de l’information de demain.
C’est incontestable : les médias de service public en Europe sont au cœur de multiples crises. Une crise économique : leur financement, via une redevance, une affectation de taxe ou une budgétisation, est régulièrement remis en cause. Une crise technologique : ils doivent prendre en compte l’impact des plateformes numériques dans le rapport à l’information. Une crise géopolitique : ils peuvent aisément être transformés en porte-voix gouvernemental, comme en Italie, et en officine de propagande du pouvoir, comme c’est le cas en Hongrie. Une crise de confiance, enfin, qui va de pair avec une concentration des crispations autour de leur défaut d’indépendance et de leurs biais supposés.
Or, le 8 août 2025, l’article 5 de la législation européenne sur la liberté des médias (EMFA), qui impose aux États membres de l’Union européenne des obligations en matière d’indépendance éditoriale et fonctionnelle des médias de service public, entrera en application. Une mesure qui tient autant de la consécration que de la sauvegarde.
“Au service du public ou du parti ? C’est l’un des plus grands défis auxquels sont confrontés les médias publics aujourd’hui en Europe tant le risque de leur instrumentalisation est grand. Outre-Atlantique, l’élection de Donald Trump, qui menace de liquidation l’audiovisuel extérieur américain, renforce cette offensive menée par des forces politiques contre les radios et télévisions publiques. Dans ce contexte, RSF défend l’idée d’un média public, vecteur d’une information honnête, plurielle et indépendante à destination du public le plus large possible. Bien sûr, les médias d’information de service public ne doivent pas être tenus en-dehors de la critique, a fortiori parce qu’ils appartiennent à la communauté citoyenne, mais la violence des attaques cache mal une instrumentalisation politique et l’enfer est pavé de bonnes intentions financières. Il est urgent de redonner aux médias publics leurs lettres de noblesse en instaurant de puissants garde-fous d’indépendance ainsi qu’une pérennité et une stabilité dans leur financement. La mise en conformité des législations nationales avec l’article 5 de l’EMFA est une première étape essentielle. Un sursaut européen pour inventer le service public de l’information de demain est une priorité.
Thibaut Bruttin
Directeur général de RSF
Ce nouveau rapport de RSF prend la température de l’état des médias publics à l’aune d’une étude menée au sein des 27 pays de l’Union européenne, ainsi qu’au Royaume-Uni et en Suisse. L’organisation adopte une perspective européenne face à l’offensive menée contre le service public des médias sur tout le continent : elle esquisse des scénarios, dresse un état des lieux du paysage des médias publics européens et émet des recommandations.
Certaines pratiques, qui font figure d’exemple, – l’augmentation de la redevance audiovisuelle en Tchéquie – sont mises en avant, d’autres, plus funestes – la disparition des ondes de la radio publique du Liechtenstein en avril dernier –, sont dénoncées. RSF estime qu’un sursaut européen est nécessaire pour inventer le service public de l’information de demain.
Les informations clés du rapport (...)