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France24/AFP
Portugal : sous la férule d’André Ventura, l’extrême droite réalise une percée historique
#Portugal #extremedroite
Article mis en ligne le 20 mai 2025

Porté par une campagne massive sur les réseaux sociaux et un discours populiste habile, le parti d’extrême droite Chega devient la troisième force politique au Portugal et est même en passe de doubler le Parti socialiste. Une percée historique dans un pays encore marqué par le souvenir de la dictature de Salazar.

Le leader du parti d’extrême droite Chega affichait sa satisfaction, dimanche 18 mai, à l’annonce des résultats des législatives anticipées au Portugal. "Rien ne sera plus jamais comme avant au Portugal", a-t-il ajouté.

Ce scrutin s’est soldé par une victoire du Premier ministre portugais de droite modérée, Luis Montenegro. Mais aussi par la forte progression de l’extrême droite, propulsée au rang de troisième force politique du pays. Un résultat inédit dans ce pays marqué par quatre décennies de dictature, qui s’est terminée seulement en 1974 lors de la révolution des Œillets.

Avec 20 % des voix, la formation populiste Chega menace même de dépasser le Parti socialiste (23,4 %) et de devenir la principale force d’opposition portugaise. En nombre de sièges, les députés socialistes et d’extrême droite se retrouvent pour l’instant à égalité (58). Mais les quatre mandats des circonscriptions de l’étranger, qui ne seront attribués que dans les prochains jours, pourraient faire basculer les résultats en faveur de l’extrême droite.

L’image de Chega ternie par une série d’affaires judiciaires (...)

un député soupçonné de viol sur mineure, un second d’avoir volé des valises dans des aéroports et un élu municipal du parti accusé de prostitution de mineur, après avoir admis des relations sexuelles tarifées avec un garçon de 15 ans.

L’arrivée au pouvoir de Trump, un coup accélérateur

Pour Yves Léonard, c’est notamment l’élection de Donald Trump qui a redynamisé Chega. "Cela a assurément été un coup d’accélérateur pour André Ventura, l’opportuniste leader de Chega. Il a tout de suite compris l’intérêt qu’il pouvait en retirer. Il est un admirateur de Trump de longue date. Il a été invité à son investiture en janvier à Washington."

Déjà centré sur les questions migratoires et la dénonciation des élites, son discours s’est alors enrichi d’un nouveau registre : celui de la souveraineté économique, avec l’appel à une généralisation des tarifs douaniers pour freiner l’arrivée massive de produits asiatiques, analyse le chercheur. (...)

"Il utilise les réseaux sociaux à haut débit pour inonder la scène quotidiennement, à la manière de ce que prône (l’ancien conseiller trumpiste) Steve Bannon", observe Yves Léonard.

Devenu célèbre grâce à ses interventions sur les plateaux télévisés consacrés au football – notamment en commentant les matches du Benfica –, André Ventura maîtrise parfaitement l’art de la mise en scène médiatique. "Il ment à tort et à travers, mais avec beaucoup d’aplomb et en faisant mine, comme Donald Trump, d’oublier ce qu’il a dit la veille", poursuit le chercheur. (...)

Le débat politique au Portugal a lui aussi contribué à la montée de Chega, grâce à des thèmes propices à la rhétorique d’extrême droite, tels que l’immigration et l’éthique des responsables politiques.

"Comme lors des précédents scrutins, Chega a surfé sur une dynamique anticorruption. N’oublions pas que cette élection anticipée a été convoquée après la démission en mars de Luis Montenegro sur fond de soupçons de conflit d’intérêts", rappelle Yves Léonard. Le Premier ministre portugais a été accusé de profiter d’une société de conseil qu’il avait fondée en 2021, avant de la mettre au nom de son épouse et de leurs enfants. N’ayant pas obtenu la confiance du Parlement en mars, il a été contraint de convoquer ces élections anticipées.

"André Ventura a su capter une partie du ressentiment et du désenchantement des électeurs à l’égard des partis politiques traditionnels", explique Yves Léonard. "Son discours est entendu par les Portugais d’en-bas qui se sentent délaissés des élites."

Des électeurs que les souvenirs de la dictature portugaise ne suffisent plus à dissuader de voter en faveur de l’extrême droite. (...)

Au fil des années, il a appris à atténuer les références trop explicites à Salazar. Pourtant, quelques mois après la fondation de Chega en 2019, le populiste faisait son entrée au Parlement en ayant mené campagne sous le slogan salazariste "Dieu, patrie, famille et travail".

S’il reprend aujourd’hui à l’ancien dictateur la figure du sauveur et l’évocation d’un Portugal glorieux, il y ajoute une revendication de modernité, affirmant incarner une nouvelle ère politique. L’ascension de Chega illustre une tendance plus large en Europe, celle d’une normalisation des discours populistes et d’extrême droite, et ce même dans des pays où la mémoire de régimes dictatoriaux est encore vive. Le Portugal ne fait désormais plus exception.