
À l’approche du premier tour de l’élection présidentielle en Pologne, le 18 mai, les fausses informations visant les migrants pullulent sur les réseaux sociaux. Les candidats de droite et d’extrême-droite jouent ainsi avec la peur de l’étranger et accusent le gouvernement pro-européen de Donald Tusk d’être trop laxiste dans sa politique migratoire.
Dans la dernière ligne droite avant le premier tour de l’élection présidentielle en Pologne, prévu le 18 mai, les candidats de droite et d’extrême-droite s’en prennent à la politique migratoire du gouvernement pro-européen de Donald Tusk. Ils l’accusent notamment de laisser l’Allemagne submerger la Pologne de migrants.
Le candidat du parti nationaliste Droit et Justice (PiS) Karol Nawrocki et celui de la formation d’extrême-droite libertarienne Confédération, Slawomir Mentzen, sont devancés dans les sondages par le maire pro-européen de Varsovie, Rafal Trzaskowski. Mais ils peuvent compter sur les réseaux sociaux, caisse de résonance de fausses informations visant les étrangers (...)
"Narratif anti-allemand"
La désinformation anti-migrants prospère depuis des années en Pologne, terre d’accueil de très nombreux réfugiés ukrainiens et en proie à une pression migratoire. Mais "la nouveauté est qu’elle est conjuguée désormais avec le narratif anti-allemand, qui se nourrit de phobies anti-allemandes et anti-européennes", explique à l’AFP Anna Mierzynska, spécialiste indépendante des réseaux sociaux. (...)
Un chiffre circule beaucoup, celui de 10 000 migrants - prétendument originaires du Moyen-Orient et d’Afrique - renvoyés par l’Allemagne. Il s’agit en fait des refus d’entrée en Allemagne en 2024, pour 60% des Ukrainiens, faute notamment de passeports valides, a récemment expliqué le ministère de l’Intérieur polonais.
"C’est de la manipulation des chiffres à des fins politiques", déplore Monika Szulecka, chercheuse au même Centre d’études.
Les réfugiés ukrainiens sont aussi largement visés par la désinformation en ligne. (...)
"Pas de hausse particulière du nombre de migrants entrant en Pologne"
Les spécialistes rappellent que la réalité est bien plus nuancée. "Nous n’observons pas de hausse particulière du nombre de migrants entrant en Pologne. Ni venus par la frontière Est, ni celle de l’Ouest", déclare à l’AFP Marta Kindler, chercheuse et professeure adjoint au Centre d’études sur les migrations de l’Université de Varsovie. "On voit arriver en Pologne principalement des ressortissants asiatiques, tels que des Philippins, des Indiens et des Népalais et des ressortissants sud-américains, notamment des Colombiens, et moins de migrants en provenance d’Afrique", précise-t-elle. (...)
Mais dans cette avalanche de fausses informations, difficile pour le public de s’y retrouver. (...)
En juillet, les députés polonais ont approuvé une loi autorisant les agents en poste à la frontière biélorusse à tirer à balles réelles sur des exilés, en situation "de légitime défense" ou de "manière préventive".
En mars dernier, Varsovie a entériné une loi très controversée. Le texte permet de limiter le droit de déposer une demande de protection internationale sur le sol polonais. Lorsque des autorités le déclencheront, elles devront indiquer une temporalité déterminée (six mois maximum, renouvelable par accord parlementaire) ainsi qu’une zone précise de la frontière où cette restriction s’appliquera.
Le mois suivant, le gouvernement a lancé une campagne d’information visant à décourager les exilés de traverser la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. (...)
"Notre message sera simple : la frontière polonaise est fermée. Ne croyez pas les passeurs, ne croyez pas [le président biélorusse Alexandre] Loukachenko, ne croyez pas [le président russe Vladimir] Poutine. Ils vous mentent quand ils disent que c’est le chemin vers l’Europe. Ce n’est pas vrai", avait insisté Donald Tusk. Et d’ajouter : "Vous ne demanderez plus l’asile ici et, surtout, vous ne franchirez plus illégalement la frontière polonaise".