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Plus de 120 000 refoulements de migrants aux frontières de l’UE en 2024, selon un rapport de plusieurs ONG
#UE #refoulements #migrants #immigration #ONG #pushbacks
Article mis en ligne le 28 février 2025
dernière modification le 26 février 2025

Selon un rapport de neuf organisations de défense des droits de l’Homme, présentes dans plusieurs pays européens, plus de 120 000 refoulements de migrants ont été enregistrés aux frontières extérieures de l’UE en 2024. Ces "pushbacks" sont devenus "une pratique systématique dans le cadre de la politique migratoire de l’UE", dénoncent les ONG.

C’est un nouveau document qui tend à mettre en lumière l’ampleur des refoulements opérés aux frontières extérieures de l’Union européenne (UE). Un rapport, publié lundi 17 février, qui regroupe neuf organisations de défense des droits de l’Homme actives dans plusieurs pays européens - dont We Are Monitoring en Pologne, la Fondation Mission Wings en Bulgarie et le Comité hongrois d’Helsinki en Hongrie - affirme qu’"au moins" 120 457 "pushbacks" ont été enregistrés en 2024 en Europe - des refoulements à la frontière sans laisser à la personne concernée la possibilité de demander l’asile.

Cette pratique est pourtant illégale au regard du "principe de non-refoulement" consacré par l’article 33 de la Convention de Genève sur le droit des réfugiés : "Aucun des États contractants n’expulsera ou ne refoulera […] un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée", exige le texte. Le principe de non-refoulement est également réaffirmé par l’Union européenne dans sa Charte des droits fondamentaux.

Pour parvenir à ce chiffre record, les militants se sont appuyés sur des rapports d’ONG et de groupes de recherche ainsi que sur les données des services gouvernementaux. À noter que ce chiffre ne concerne que les refoulements survenus dans un pays européen vers des États tiers et ne prend pas en compte les expulsions aux frontières intérieures de l’UE. Par ailleurs, une personne peut avoir été refoulée plusieurs fois.

La Bulgarie, en tête du classement (...)

La Bulgarie est soumise à une forte pression de la part des autres États membres de l’UE dans sa capacité à gérer les flux migratoires. Les questions de sécurité aux frontières figuraient parmi les principales préoccupations qui ont retardé l’entrée de la Bulgarie à l’espace Schengen - l’Autriche et les Pays-Bas ayant dans un premier temps opposé leur veto à une adhésion.
Ainsi ces derniers mois, les témoignages de refoulements dans le pays se multiplient. (...)

Les récits des exilés font également état de violences perpétrées par les autorités. Demandeurs d’asile "obligés de retourner en Turquie à la nage", déshabillés de force ou sévèrement mordus par les chiens des gardes bulgares : dans cette région, une violence considérable est exercée par les gardes-frontières. Des agissements dénoncés à de nombreuses reprises par les ONG, et dont même l’agence européenne de protection des frontières Frontex a eu connaissance, selon une enquête du réseau Balkan Investigative Reporting Network (BIRN). (...)

Ces refoulements peuvent parfois mener à des drames. Selon une étude de la branche viennoise de la Fondation ARD, en coopération avec Lighthouse Reports, et plusieurs médias, au moins 93 personnes transitant par la Bulgarie sont décédées en 2022 et 2023.

Début janvier 2025, l’organisation italienne Colletivo rotte balcaniche (collectif de la route des Balkans) et l’association No name kitchen avaient accusé Sofia d’être responsable de la mort de trois migrants égyptiens. (...)

La Grèce condamnée par la CEDH

D’après le rapport des neuf ONG européennes, la Bulgarie est suivie par la Grèce, avec 14 482 refoulements enregistrés à ses frontières en 2024. Depuis des années, Athènes est accusée de "pushbacks" violents en mer Égée et près du fleuve Evros. (...)

Malgré les preuves qui s’accumulent, Athènes n’a pourtant jamais reconnu l’existence de ces refoulements et a toujours nié les pratiquer.

Contactée par InfoMigrants, la Commission européenne rappelle qu’il "appartient aux États membres de gérer et de protéger leurs frontières extérieures dans le cadre juridique de l’UE" et qu’il est de leur "responsabilité d’enquêter sur toute allégation d’actes répréhensibles" (...)

Hausse des interceptions au large de la Libye

Après la Bulgarie et la Grèce, championnes des "pushbacks", on retrouve dans le rapport la Pologne (13 600 refoulements), la Hongrie (5 713), la Lettonie (5 388), la Croatie (1 905) ou encore la Lituanie (1 002). Plusieurs de ces pays, qui accusent la Biélorussie de vouloir déstabiliser l’Europe en laissant passer les migrants, ont d’ailleurs légalisé ces dernières années les refoulements à leurs frontières, en dépit du droit international. (...)

En 2017, l’UE a signé un accord avec la Libye dans le but d’empêcher les migrants de traverser la Méditerranée et de rejoindre l’Italie. À travers ce partenariat, sans cesse renouvelé, l’Europe donne concrètement aux autorités libyennes la charge de la coordination des sauvetages au large de leurs côtes (tâche qui incombait auparavant au centre de coordination de sauvetage maritime de Rome ou de La Valette, à Malte). L’Italie équipe et forme aussi les gardes-côtes libyens pour intercepter les exilés en Méditerranée. (...)

Cette collaboration controversée est régulièrement dénoncée par les ONG et les instances internationales, en raison des dérapages, menaces, intimidations des autorités libyennes en mer contre les migrants et les humanitaires.

Par ailleurs, lorsqu’ils sont interceptés en mer et renvoyés sur le sol libyen, les migrants sont transférés dans des centres de détention, gérés par le Département de lutte contre l’immigration illégale (DCIM), où ils subissent des tortures, des violences sexuelles, de l’extorsion, et sont soumis à du travail forcé.
Les refoulements, "une pratique systématique" au sein de l’UE

L’ensemble de ces refoulements, "en forte augmentation", observés aux frontières extérieures de l’Europe "sont devenus une pratique systématique dans le cadre de la politique migratoire de l’UE", estiment les ONG. "Les rapports continus sur les refoulements montrent l’échec de l’UE à faire respecter les droits de l’Homme".

Les humanitaires et les chercheurs regrettent le manque de réaction des institutions européennes qui donne, de fait, un blanc-seing aux pays pointés du doigt. "Il y a quelques années, la Commission européenne, garante du respect des traités de l’UE en matière d’asile, condamnait ces pratiques. Aujourd’hui, on entend beaucoup moins de réprobations de sa part, elle a perdu beaucoup de son influence sur ses membres", avait déclaré en octobre Matthieu Tardis, chercheur spécialisé sur l’immigration et co-directeur de Synergie Migrations.