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Mediapart
Plaidoiries au procès Mazan : feu nourri contre les féministes
#Mazan #viols #GiselePenicot #femmes #cultureduviol #feminisme
Article mis en ligne le 9 décembre 2024
dernière modification le 8 décembre 2024

Nouvelle semaine de plaidoiries de la défense au procès de Dominique Pelicot et de cinquante autres hommes accusés de viol aggravé sur Gisèle Pelicot. Des avocats s’en sont pris vertement aux « sirènes féministes » et à leur « vindicte », accusées de parasiter les débats.

féminine. Une supposée domination qu’exerceraient les féministes sur les audiences, les réquisitions, l’opinion publique. Dans leurs plaidoiries, certains avocats de la défense ont choisi de faire feu sur les « sirènes féministes » qui retentissent à l’extérieur du tribunal, entravant selon eux la sérénité des débats. Et faisant courir le risque d’un verdict rendu sous pression.

Ce verdict, il approche pour les cinquante et un hommes jugés pour des viols sur Gisèle Pelicot, droguée par son mari pendant une décennie. Le délibéré sera rendu la semaine du 16 décembre, après l’enchaînement des plaidoiries de la défense, débutées le 27 novembre et teintées de procès du procès, de procès de la société, de charge maximale de Dominique Pelicot. Et de diatribes, donc, contre cette « vindicte populaire » au féminin. (...)

Qu’elles cessent de se plaindre, donc. Mais surtout, qu’elles se taisent, car elles parlent trop, trop fort, trop mal. Elles chantent, crient et invectivent devant le palais de justice et dérangent ces messieurs les avocats. Elles occupent l’espace public et accrochent des banderoles sur les remparts d’Avignon, réclamant « vingt ans pour tous ». Elles collent des affiches dans la ville et les recollent, encore et encore, quand elles sont arrachées. « Et on les laisse faire ! », se lamentent ces mêmes avocats. Leurs consœurs, également présentes au procès, ont jusque-là évité d’entonner ce refrain.
Deux genres en procès

« Comment l’autorité publique peut-elle laisser des noms sur les murs, des noms et des prénoms, des stigmatisations, des mises en cause ? », interroge ainsi Émile-Henri Biscarrat, conseil de Ludovick B., contre lequel dix ans de réclusion ont été requis. Avant d’enchaîner sur une bien douteuse comparaison : « La suite, c’est quoi ? On leur rase la tête, on leur met des petites étoiles ? » (...)

« Ne faisons pas de ce procès ce qu’il n’est pas, tente Guillaume de Palma, qui défend cinq accusés. Ne tronquons pas le débat en faisant entrer dans le prétoire autre chose. En faisant rentrer ces hommes sans nuances, comme s’il y avait une sorte d’autel sacrificiel. »

Pierre-Roger Gontard, conseil de Cyrille D., est plus explicite. Selon lui, nous sommes face à une « essentialisation du débat homme contre femme » et ce procès devient celui « de deux genres, l’un contre l’autre ». (...)

Ces avocats ne veulent pas, ils ne croient pas… mais ils en savent des choses. Christophe Bruschi, par exemple, sait que « la testostérone comme cause chimique » est une grande oubliée de ce procès. « La testostérone, c’est l’hormone du désir et les hommes en ont beaucoup plus que les femmes. Cette testostérone, elle a un rôle également, Monsieur le président ! », lance l’avocat, laissant derrière lui nombre d’yeux écarquillés dans la salle. (...) (...)

Les hommes seraient donc chimiquement incapables de se contrôler ? Argument audacieux, à l’heure où les féministes font feu de tout bois contre la culture du viol. Mais celles-ci n’ont rien compris et Christophe Bruschi leur fait la leçon. (...)

La presse, pas à la hauteur

Mieux répartir l’espace entre filles et garçons dans les cours d’école, pour limiter l’omniprésence masculine ? « C’est ça la société dans laquelle on veut vivre ? », s’étrangle l’avocat. (...)

Au cours de cette semaine de plaidoiries, l’ire de la défense s’est aussi tournée vers la presse et « l’arène médiatique » dans laquelle se sont retrouvés les accusés. (...)

Plus virulent encore Yannick Prat, l’avocat de Simoné M., ancien voisin des Pelicot, a tancé les « journalistes qui n’ont pas su se mettre à la hauteur de l’événement » et « la volonté de faire du buzz » de cette presse « supposée être irréprochable et dont les productions dans une démocratie devraient être soumises à une norme de rigueur » – ce qui est le cas dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse. (...)

Décidément, si les femmes ne dominent pas le monde, ni les hommes, les féministes dominent certaines plaidoiries de la défense.