La compagnie franco-britannique a obtenu l’autorisation de chercher et d’exploiter des hydrocarbures dans 74 aires naturelles protégées à travers le monde. Malgré sa promesse de minimiser toute pression sur la biodiversité, le groupe est incapable de prouver la réalité de ses engagements.
« Écoutez, je vous arrête tout de suite : les problèmes environnementaux du groupe, je les connais, et ça ne m’empêche pas de dormir la nuit », coupe net un ingénieur de Perenco à nos questions sur les multiples fuites, enfouissements de déchets et problèmes sociaux qui entachent la réputation du groupe depuis plusieurs années au Gabon.
Mais le « problème » Perenco ne se limite pas à ce seul pays. À travers le monde, les licences d’hydrocarbures de la multinationale s’étendent sur 74 sites qui sont pourtant protégés. C’est ce que révèle une enquête menée pendant près d’un an par Mediapart avec le consortium international de journalistes d’investigation environnementale EIF et leurs partenaires. Au total, dans neuf des quatorze pays où opère la société franco-britannique – en Amérique latine, en Afrique et en Europe –, ses autorisations de rechercher et d’exploiter concernent des aires naturelles qui devraient être préservées des usages industriels.
Alors que la COP15 sur la biodiversité de 2022 s’était conclue sur l’engagement des pays membres à protéger 30 % des terres et des mers de la planète d’ici à 2030, nos révélations questionnent le sort des parcs et des réserves nationales déjà existantes. Les statuts actuels de ces sites ne semblent pas faire reculer les sociétés telles que Perenco, ni ses actionnaires, la famille Perrodo, quinzième fortune de France selon le magazine Challenges. (...)
Ces soixante-quatorze sites à travers le monde représentent des menaces envers une biodiversité déjà en proie à une sixième extinction de masse, indissociable du dérèglement climatique – dont la combustion d’énergies fossiles reste aujourd’hui le principal moteur.
Deux phénomènes inextricables mais aussi codépendants, puisque la perte de biodiversité seule « exacerbe à son tour les effets du changement climatique », comme le rappelait encore le conseil scientifique de la COP Biodiversité à ses 196 États membres il y a un an (...)