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Didier Dubasque
Pascal Brice : « indignons-nous face à la braderie du social et le désengagement de l’État »
#social #Etat
Article mis en ligne le 26 avril 2024
dernière modification le 23 avril 2024

Pascal Brice, ancien diplomate, président de la Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS) est intervenu mercredi dernier à Nantes lors de l’assemblée générale de l’association ARIFTS qui gère l’institut régional de formation aux métiers du travail social des pays de Loire. Assez désabusé face à l’inertie de l’État et ce qu’il appelle la « braderie du social« , il a appelé les travailleurs sociaux à réagir et à la nécessité de s’engager dans des actions conflictuelles, seules possibilités ou presque de se faire entendre par le gouvernement actuel.

(...) La braderie du social est engagée.

Que nous dit Pascal Brice ? 14% de la population française est en panne, voire en déshérence. Il n’y a plus d’ascenseur social, le mal logement est une réalité criante, l’État est incapable de répondre aux défis sociaux à venir tel celui du vieillissement de la population ou encore à l’arrivée régulière de demandeurs du droit d’asile. C’est le social dans son entier qui est maltraité. Cette braderie du social est aussi liée à une société qui se maltraite elle-même, qui n’en appelle plus à la solidarité et ne voit plus que des « profiteurs », des « fraudeurs » ou des « assistés ».

Comment peser plus efficacement sur les autorités ? Comment faire pour que le travail social soit pris en compte par l’ensemble de la société ? C’est inquiétant. Nous sommes face à une société qui est divisée, qui se fracture sans cesse.

Nous sommes aussi témoins d’un immense gâchis qui met en colère le président de la FAS. Il a rencontré des jeunes qui ont des parcours de réussite impressionnants au prix d’efforts remarquables d’intégration. À Dax, jeune un jeune Guinéen qui a fait des efforts considérables et s’est intégré et se retrouve aujourd’hui dans un trou noir. Il a reçu une OQTF après avoir brillamment réussi à ses examens. Ces jeunes-là voient leurs rêves brisés à coup de mesure qui leur demandent de quitter le territoire alors qu’ils ont la France dans le cœur avec une forte envie d’intégration. C’est désolant.

De multiples autres initiatives sont empêchés face à des défis très importants. L’évolution du progrès comme celui du droit des femmes, du changement climatique est enrayé. Ces sujets sont désormais des facteurs qui clivent la société. Mais comment en est-on arrivé là ? s’interroge-t-il. (...)

La FAS souhaite revisiter, lors de son prochain congrès, la place du travail social face à cette réalité. « On n’a pas le droit d’être dans la sinistrose » nous dit-il. On a un problème de tonalité face à ce gâchis qui devrait tous nous mettre en colère. (...)

Plusieurs autres problématiques actuelles désolent le président de la FAS : La bureaucratisation qui amplifie la fracture sociétale, l’incapacité des représentants de salariés et des employeurs de s’entendre pour une convention collective commune. Il dénonce l’absence de politique pour la santé mentale alors qu’il y a tant de gens qui vont mal. Il y a aussi e manque de moyens pour les politiques d’insertion et des discours toujours plus stigmatisants pour les demandeurs d’emploi, les pauvres et les précaires sacrifiés sur l’autel de la défense des classes moyennes…
Quand arrêterons-nous de subir la situation ? (...)

Comment peser ? Nous vivons une période en perte de sens avec des angoisses collectives qui traversent tous les métiers. Dans une société en perte de repère et à la dérive, quels sont nos points fort ? Face à cet invariant dans la période qui montre l’incapacité de l’État et de ses fonctionnaires de répondre aux besoins de la population, il nous faut revoir notre logiciel. Il nous faut réapprendre à penser à partir des personnes et non en fonction d’un système bureaucratique que l’on nous demande d’alimenter.

Nous sommes là pour les gens. Les pouvoirs publics le savent bien. Nous ne nous mettons pas en grève, d’abord par manque de moyens financiers pour tenir, mais aussi parce que nous savons que ce sont d’abord les usagers des services sociaux qui en pâtissent et ça, nous ne le voulons pas. L’État le sait bien.

« À quel moment cesserons-nous de dire oui et de subir la situation ? » Si on se parle à nous-mêmes, ça ne marche pas. Il est important que les travailleurs sociaux disent le réel et ce qui se passe devant les caméras et qu’ils racontent. Cela peut faire écho dans la population qui peut sur certains points nous rejoindre. (...)

Que faire alors ?

S’il y a un levier qui fonctionne pour l’État et ses services, c’est celui de la responsabilité pénale. À ce moment-là, il n’est plus question pour lui d’imposer la pénurie des moyens. Or, nous sommes habitués à être sans cesse dans une culture du compromis. Nous ne savons pas comment faire pour mettre l’État face à ses responsabilités. Il y a un enjeu de levier. On apporte sans cesse aux pouvoirs publics la preuve de nos acceptations d’agir et d’être là quoi qu’il arrive. Les autorités surfent sur ce pari et ne bougent pas.

Les dérives actuelles conduisent à l’atténuation des responsabilités. Ainsi, ce qui était acceptable par le passé en matière de politique d’accueil ne l’est plus. Les vents adverses sont puissants. Pascal Brice a envie que l’on joue sur la peur du vide. Que se passera-t-il si nous nous retirons totalement à la prochaine crise ? L’État sera alors contraint de mettre des moyens pour répondre aux besoins. L’hôpital est dans la même logique. Cela n’empêchera pas la nécessité montrer sans cesse et publiquement ce qu’est cette précarité que personne ne veut voir, car elle va frapper de plus en plus de nos concitoyens.

Ce que Pascal Brice a envie de nous dire aujourd’hui, c’est tout simplement : « Indignez-vous ! » Il est encore temps.