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Mediapart
Pas encore embauchées, déjà discriminées : les difficiles carrières des jeunes Françaises qui portent le voile
#islamophobie #femmes
Article mis en ligne le 29 janvier 2025
dernière modification le 27 janvier 2025

Avant même d’avoir signé leur premier contrat durable, de nombreux étudiants et étudiantes musulmanes ont déjà subi des discriminations islamophobes dans le monde du travail. Une violence intériorisée qui les pousse à s’interroger sur leur avenir en France.

Lyon (Rhône).– « La première chose à laquelle je pense quand j’arrive quelque part, c’est que, comme je porte le hidjab, les gens savent que je suis musulmane, donc il faut absolument que mon comportement soit irréprochable. » Amira entre à peine dans sa vingtaine, mais les oppressions islamophobes sont déjà bien ancrées dans son quotidien. « J’ai toujours ça en arrière-pensée », ajoute-t-elle, avant de préciser, elle y tient, qu’elle ne « veu[t] pas faire la victime », elle qui vient de décrocher un stage dans un cabinet de recrutement. (...) Concernant l’entrée dans le monde du travail, l’étudiante dit avoir intériorisé depuis « longtemps » ce qu’elle appelle « le débat concernant la photo sur le CV ». Entendre : choisir de mettre, ou non, une photo d’identité qui montre qu’elle porte le foulard. (...)

« Est-ce que je vais être acceptée comme je suis ? »

En France, la loi autorise le port d’un signe ou d’un vêtement religieux dans les entreprises privées. En 2021, la Cour de cassation a même jugé discriminatoire le licenciement d’une vendeuse dans un magasin de vêtements qui avait commencé à porter le foulard.

Pourtant, les faits sont là : les femmes musulmanes subissent des discriminations à l’embauche. (...)

Yasmine a commencé à porter le hidjab au lycée, à la fin de son année de terminale – elle le retirait avant d’entrer dans l’établissement, même si c’était « un peu dur », précise-t-elle.

Elle s’est ensuite tournée vers l’université, où elle se sent « plus libre » de le porter. L’entrée dans le monde du travail est une « énorme source d’anxiété », confie-t-elle. « Je suis en troisième année de licence, l’année prochaine j’arrive en master, il faut que je pense aux stages. Est-ce que je vais être acceptée comme je suis ? Est-ce que je dois mettre ma photo sur le CV ? » (...)

À les écouter, on en oublierait presque que le port du voile est autorisé en France. Les récentes déclarations de Bruno Retailleau n’aident pas à le croire : le ministre de l’intérieur a rendu très claire, il y a trois semaines, son intention de cibler les femmes qui portent le foulard, voulant notamment leur interdire l’accès aux université. Ces jeunes Françaises en viennent même à douter, parfois, de leurs propres droits. (...)

Les personnes musulmanes ont intériorisé la « politique du soupçon » qui flotte en France, comme l’a décrypté en 2022 le chercheur Haoues Seniguer dans son essai La République autoritaire. Islam de France et illusion républicaine 2015-2022 (éditions Le bord de l’eau, 2022).
Des questions sur « les origines » (...)

« En entretien, quelqu’un m’a déjà demandé : “Mais dites-moi, vous n’avez pas des origines méditerranéennes ?”, puis a enchaîné : “Je n’ai rien contre les Arabes, ma comptable s’appelle Myriam !” C’est véridique, ça existe. »

Il a travaillé un temps en tant que prestataire de recrutement pour une entreprise pharmaceutique. « Il y avait beaucoup de racisme. J’étais en charge de recruter des stagiaires et alternants dans tous les domaines ; administratifs, commerciaux, scientifiques… Au cours d’entretiens sur Zoom, plusieurs managers m’ont dit : “Je préfère être cash, je ne veux pas d’étrangers, il y a trop d’Arabes dans les CV.” »

En septembre, l’université de Lyon 3 a été recouverte de tags racistes et islamophobes. « Quand on lit “Islam dehors”, forcément, ça touche directement les musulmans. Ce n’est pas un climat où ces étudiants peuvent s’épanouir sereinement », déplore Edin Mahmuti, président de l’EMF Lyon. « Pour autant, il ne faut pas qu’on s’autocensure, on n’a rien à se reprocher. On est là pour tous les étudiants. On est musulmans, c’est écrit dans le nom. Il n’y a rien d’illégal là-dedans. »