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Mediapart
Onze ans après la grève, cinq syndicalistes de La Poste passent au tribunal
#laposte #servicespublics #neoliberalisme #greves #syndicalistes #SudPTT
Article mis en ligne le 15 juin 2025

Cinq militants de Sud PTT étaient jugés le 12 juin pour des faits de grève remontant à 2014. La justice leur reproche des violences contre une cadre et des dégradations, mais surtout de violation de « domicile professionnel » en envahissant le siège de La Poste.

Le président de la 10e chambre correctionnelle du tribunal de Paris le concède bien volontiers : « Je trouve qu’il n’est pas normal de juger les gens onze ans après. » Jeudi 12 juin, la mémoire de chacun est mise à rude épreuve. Lors d’une audience longue de dix heures, cinq syndicalistes de la Poste – licenciés depuis pour la plupart – ont dû s’expliquer sur deux actions militantes datant des 13 et 20 février 2014.

En plein mouvement de grève, plusieurs dizaines de membres de Sud PTT des Hauts-de-Seine étaient allés faire entendre leurs revendications auprès de la direction nationale de l’entreprise publique, après avoir échoué à ouvrir des négociations avec leur direction locale.

Le 13 février de cette année-là, alors qu’ils entamaient la troisième semaine de grève, ils se sont installés dans le hall du siège social de La Poste, à Paris, malgré l’opposition de vigiles et de la directrice sécurité du bâtiment. Le 20, ils ont escaladé un grillage de plus de trois mètres pour perturber un conseil d’administration barricadé. Filmées par des caméras de surveillance, ces actions ont été diffusées lors du procès. (...)

La Poste et sa directrice de la sûreté, Stéphanie G., ont porté plainte contre les militant·es. Et plus précisément contre cinq mandataires syndicaux, dont le remuant Gaël Quirante, figure identifiée des luttes sociales franciliennes, et longtemps membre de la direction du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).

Les griefs sont presque les mêmes pour tout le monde : « Dégradation de biens en réunion appartenant à une entreprise chargée d’une mission publique », « violences sur personne » au préjudice de Stéphanie G. (qui a obtenu six jours d’interruption totale de travail à la suite de cette action) et « violation de domicile professionnel ».

« La police a très peu enquêté, la plainte a mis énormément de temps à être instruite, il n’y a pas eu d’acte d’enquête en dehors des interrogatoires, regrette l’avocat de la défense, Jérémie Boccara. Il y a aussi eu une grande inertie du côté du parquet pour prendre un réquisitoire définitif. » Bref, « une attente assez symptomatique de la lenteur de la justice française ».

Une première audience avait bien été fixée pour novembre 2024 mais quatre heures seulement avaient été prévues. La défense avait donc demandé un renvoi pour que les cinq prévenus aient le temps de déplier correctement leurs arguments.

Six mois de grève et un procès (...)

Chaque camp renvoie l’autre à sa violence. Aucun des agents de sécurité n’est représenté à ce procès, mais la directrice de la sécurité l’assure, certains ont eu « la peur de leur vie ».

Après ces quelques minutes de tension, la foule se calme rapidement. Elle restera sur place jusqu’en fin d’après-midi, après avoir obtenu de la part du responsable des relations sociales de l’entreprise qu’une réunion soit organisée le lendemain. À la barre, l’avocate de La Poste, sous le regard médusé des postiers de la salle, comparera cette action à une prise d’otage, où l’otage est bien obligé de concéder des choses, sous la pression. (...)

Le procureur a requis entre 70 et 140 heures de travail d’intérêt général pour les cinq prévenu·es, avec des peines de deux à cinq mois de prison si elles ne sont pas effectuées. Le délibéré de ce procès sera rendu le 10 juillet.