
Alors que s’ouvre son procès en appel pour corruption de mineurs, l’animateur de CNews semble plus indéboulonnable que jamais au sein de la chaîne de Vincent Bolloré.
Jean-Marc Morandini se serait bien passé de ce nouveau rendez-vous judiciaire. Juste après son émission présentée sur CNews mercredi 27 novembre, l’animateur phare de la chaîne a rendez-vous devant la cour d’appel de Paris et espère une autre issue que celle décidée par les juges en décembre 2022.
Le tribunal l’avait alors condamné à un an de prison, avec un sursis probatoire de deux ans, pour corruption de mineurs, et avait décidé de l’inscrire au fichier des délinquants sexuels. (...)
Retour en 2015, lorsque Vincent Bolloré se fait magnat des médias et prend définitivement le contrôle du groupe Canal+, après avoir pris les commandes de Vivendi. Le milliardaire breton récupère au passage iTélé, la chaîne d’information du groupe. Très vite, il décide de faire venir Jean-Marc Morandini, qu’il avait déjà embauché sur Direct 8, pour présenter une quotidienne sur CNews. L’animateur est déjà mis en examen, mais qu’importe, Vincent Bolloré le veut coûte que coûte, même au prix d’une rédaction totalement détruite.
Après un mois d’une grève historique, la plus longue de l’histoire de l’audiovisuel, la direction ne cède rien aux journalistes qui s’opposent à sa venue et montre la porte aux protestataires : une centaine de journalistes, la quasi-totalité des effectifs, quitte la chaîne. « Morandini a été utilisé comme un épouvantail pour faire le tri dans la rédaction, se souvient un des ex-visages de la chaîne, parti après la grève. Avec le recul, on a compris que Bolloré s’en était servi pour tester notre allégeance et forcer au départ et à ses conditions ceux qui ne souhaitaient pas travailler pour lui. »
Mais le groupe Canal+ promet que l’animateur sera licencié sans indemnités s’il est condamné et prévoit qu’il ne travaille pas dans les locaux du groupe. Depuis, la première promesse a été totalement balayée. (...)
En novembre 2016, lorsque le protocole de fin de grève est signé, les salarié·es arrachent une concession à Serge Nedjar, directeur de CNews : il a l’interdiction de mettre un pied dans les locaux de la chaîne afin de ne pas entrer en contact avec des mineurs, des collégiens en stage par exemple.
À partir de cette époque, Morandini est soutenu par Bolloré mais traité tel un pestiféré. Il tourne ses émissions dans d’autres studios situés au troisième sous-sol d’un immeuble près des Champs-Élysées. « Il travaille totalement en dehors de la chaîne, on n’a aucun lien avec lui », confirme un présentateur de CNews, qui explique que ses studios sont encore délocalisés sept ans après. L’animateur travaille en complète autonomie avec ses propres équipes et n’est pas du tout associé aux discussions éditoriales. Chaque jour, entre 10 h 35 et midi, il se branche sur l’antenne pour y diffuser son programme, par ailleurs large leader des chaînes d’information, avec une moyenne de 350 000 téléspectateurs et téléspectatrices. (...)
Cette indépendance, inédite pour une chaîne d’informations, joue à son avantage. Morandini produit lui-même une émission qu’il revend, garde le contrôle de son contenu et trouve tous les moyens pour maximiser ses bénéfices. (...)
Un tremplin pour l’extrême droite
Poussant la logique de la télé low cost à son paroxysme, Jean-Marc Morandini sait donc s’appuyer sur des militant·es non rémunéré·es pour remplir son émission et recrute presque exclusivement des profils d’extrême droite. Quand ceux-ci ne sont pas sur le plateau, ils remplacent parfois les journalistes sur le terrain et réalisent des duplex depuis l’étranger. (...)
Chez Morandini, le pluralisme n’est que de façade. La gauche y est plus présente que dans les autres émissions de la chaîne mais sert essentiellement de punching-ball, et la droite radicale est régulièrement surreprésentée. (...)
Chez Morandini, le pluralisme n’est que de façade. La gauche y est plus présente que dans les autres émissions de la chaîne mais sert essentiellement de punching-ball, et la droite radicale est régulièrement surreprésentée. (...)
Depuis son parachutage à CNews, l’animateur s’est en effet mis au diapason des têtes d’affiche de la chaîne et exploite la moindre actualité pour convaincre davantage les esprits « bollorisés » que l’immigration massive et l’islam menacent la paix civile.
« Le point de départ est souvent un fait divers qu’on essaye de transformer en fait de société », abonde un invité récurrent. « Ce sont toujours les mêmes thèmes : immigration et insécurité, qu’on aborde toujours à partir d’un fait divers », confirme un autre. (...)
Si Jean-Marc Morandini épouse parfaitement la ligne extrémiste de Vincent Bolloré, beaucoup questionnent sa véritable pensée. « Je ne sais pas s’il est d’extrême droite, je pense qu’il est simplement opportuniste », estime une de ses anciennes collaboratrices. « Il a toujours été très à droite », la contredit un autre de ses ex-collègues. Selon des messages obtenus par Mediapart, l’obsession de Morandini pour l’islam ou l’immigration existe aussi bien en public qu’en privé. (...)