
#MeToo : révolte ou révolution ? Michelle Perrot, grande spécialiste de l’histoire des femmes, inscrit le mouvement social entamé à l’automne 2017 dans une vague lancée dans les années 1970. Elle dit aussi sa « joie » devant la nouvelle génération féministe.
#MeToo, le combat continue : c’est le titre de l’ouvrage collectif de Mediapart publié récemment aux Éditions du Seuil et consacré à la révolution féministe qui agite le monde depuis l’automne 2017 et le lancement du fameux mot-dièse (hashtag) sur les réseaux sociaux. Depuis, toutes les sociétés ont été agitées de débats, de controverses et de prises de conscience nouvelles. Pour les comprendre, nous avons demandé à des chercheuses de témoigner de ce moment politique particulier.
Qui de mieux, en introduction, que l’historienne Michelle Perrot, spécialiste de l’histoire des femmes et de l’histoire sociale ? Elle a codirigé, avec Georges Duby, une Histoire des femmes en Occident en cinq volumes (Plon, 1991-1992) et publié récemment, avec Eduardo Castillo, Le Temps des féminismes (Grasset, 2023). (...)
Michelle Perrot : Nous vivons un temps fort du féminisme. « L’amour, si je veux, quand je veux, comme je veux », nous dit #MeToo, dans une résonance avec la devise des années 1970 : « Un enfant si je veux, quand je veux, comme je veux. » Cette fois, la nouveauté réside dans la manière dont les femmes ont su s’emparer des réseaux sociaux pour donner à leur parole protestataire un écho inédit. Ce ne sont plus des centaines de femmes, mais des milliers, des centaines de milliers qui s’expriment.
La devise elle-même – #MeToo, « moi aussi » – est magnifique. Elle pose à la fois « moi », dans ma personnalité, mon individualité, et « aussi », avec les autres. Elle noue une alliance entre le personnel, le politique et le collectif qui me paraît d’un grand intérêt. (...)
Par ailleurs, le fait que beaucoup plus de femmes parlent change la donne. Dans les années 1970, la parole sur l’avortement restait largement cachée, secrète. L’écoute de #MeToo est également bien supérieure à la réception faite à l’époque autour de l’avortement.
Enfin, #MeToo rend le féminisme plus universel, avec des femmes qui s’expriment depuis les États-Unis, l’Europe, l’Asie, l’Afrique… Au moment même où le féminisme, à juste titre, insiste sur les différences, il y a dans ce mouvement une dimension universelle importante. (...)
Estimez-vous, au regard du temps long, qu’il s’agisse d’une révolution ?
J’ai tendance à penser que #MeToo constitue un grand événement dans une révolution plus vaste. Il s’agit d’une étape qui s’insère dans un mouvement engagé cinquante ans plus tôt, dans les années 1970. Simplement, cette fois, elle va beaucoup plus loin.