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Mer Méditerranée : une quarantaine d’ONG réclament, une nouvelle fois, la fin du partenariat entre l’UE et la Libye
#Mediterranee #migrants #immigration #naufrages #Libye #UE
Article mis en ligne le 29 septembre 2025
dernière modification le 27 septembre 2025

Quarante-deux ONG, dont Médecins sans frontières ou encore SOS Méditerranée, exhortent l’Union européenne à mettre fin à son partenariat avec la Libye, qui consiste au financement et à la formation des gardes-côtes libyens afin d’intercepter les migrants en mer. Les humanitaires dénoncent les violences des autorités libyennes sur terre ou en mer alors que le mois dernier, l’Ocean Viking a été visé par des tirs de la part des gardes-côtes libyens.

Depuis 2017, l’Italie, soutenue par l’UE, finance et forme les gardes-côtes libyens dans le but d’intercepter les migrants en mer et de les empêcher d’atteindre les côtes européennes. Cette année, plus de 18 000 exilés ont ainsi été arrêtés en Méditerranée et renvoyés en Libye, selon les chiffres de l’Organisation internationale des migrations (OIM). À leur retour sur le sol libyen, les migrants sont envoyés en centre de détention, où ils sont exposés aux violences, aux tortures, aux extorsions ou encore au travail forcé. Ces dernières années, InfoMigrants a publié de nombreux témoignages de migrants racontant les sévices subis dans les geôles libyennes.
Coups de feu en Méditerranée

Dans la missive envoyée à la Commission européenne, la quarantaine d’ONG – dont Médecins sans frontières (MSF), Amnesty international, SOS Méditerranée ou encore l’association Refugees in Libya (qui documente les violences en Libye) – affirme que "les gardes-côtes libyens ne respectent pas les normes requises pour être un acteur légitime de recherche et de sauvetage" en mer.

Le 24 août dernier, l’Ocean Viking a subi des tirs de la part de gardes-côtes libyens alors que le navire humanitaire de SOS Méditerranée se trouvait dans les eaux internationales et recherchait une embarcation en détresse. Quarante-sept exilés, secourus quelques heures plus tôt, se trouvaient à bord du bateau. Les tirs ont duré une vingtaine de minutes et causé des dommages sur le navire, comme en témoignent plusieurs photos d’impacts de balles publiées sur X par l’ONG. Quatre fenêtres ont été brisées, deux antennes détruites et trois bateaux de sauvetage endommagés. (...)

"L’analyse de l’attaque indique qu’elle a été menée depuis un bateau transféré par l’Italie aux gardes-côtes libyens dans le cadre du programme [de coopération], financé par l’UE", détaillent les signataires. "Cette attaque s’inscrit dans une longue série de violences contre les personnes en détresse en mer et les travailleurs humanitaires, dont les auteurs n’ont toujours pas été tenus responsables en Libye".

En effet, ce n’est pas la première fois que des ONG sont prises pour cible en mer par les autorités libyennes. (...)

Les exilés aussi subissent la violence des gardes-côtes lors des interceptions en mer. (...)

"Culture d’impunité pour la violence"

"Huit années de soutien de l’UE (…) ont permis et légitimé ces abus" et ont favorisé une "culture d’impunité pour la violence", signalent les humanitaires. "Ce système laisse aux personnes en quête de protection deux choix : risquer la mort en mer ou la détention arbitraire, la torture et l’extorsion en Libye".

Un mois après l’attaque en mer contre l’Ocean Viking, largement documentée, les ONG regrettent qu’aucune mesure n’ait été prise par la Commission européenne. Pire, "l’UE et ses États membres continuent de coopérer avec les responsables [libyens] comme si de rien n’était", note Mounir Satouri, député européen, cité dans le communiqué des 42 ONG publié mardi 23 septembre. (...)

Les auteurs de la lettre estiment que l’UE "doit rétablir l’État de droit à sa frontière maritime, suspendre sans délai sa coopération avec la Libye et exhorter l’Italie à mettre fin à son accord de 2017 avec la Libye". Ils réclament également le financement d’un "programme européen de recherche et de sauvetage mené par les États en Méditerranée centrale". Autrement dit, que les sauvetages de migrants en mer soient opérés par une force européenne, et non par des ONG.

Contactée par l’agence de presse allemande DPA, la Commission européenne a affirmé que les autorités libyennes enquêtaient sur la fusillade contre le navire de SOS Méditerranée et que Bruxelles attendait les résultats de cette enquête. (...)

Depuis des années, les ONG réclament la fin du partenariat entre Rome et Tripoli. En juillet 2021, Amnesty international avait accusé l’UE de "complicité" dans les violences commises contre les migrants en Libye sur terre ou sur mer.

L’an dernier, un rapport de la Cour des comptes européennes, analysé par le Guardian, rapportait que les équipements financés par l’UE en Libye, comme les bateaux, pourraient être utilisés par des personnes "autres que les bénéficiaires prévus", tandis que les voitures et les bus financés par l’UE "pourraient avoir facilité le transfert de migrants" vers des prisons, "aggravant la surpopulation". "Même après sept ans, et malgré les leçons apprises et un examen à mi-parcours, la Commission n’est toujours pas en mesure d’identifier et de rendre compte des approches les plus efficaces et efficientes pour réduire la migration irrégulière et les déplacements forcés en Afrique", taclait le document.

Début 2022, dans un rapport confidentiel que s’était procuré l’agence AP, l’UE avait même reconnu que les forces libyennes avaient eu recours à un "usage excessif de la force" envers les migrants et que certaines opérations en Méditerranée avaient été menées à l’encontre de la règlementation internationale. Mais sans pour autant interrompre leur aide financière et matérielle.