
Le terme de massacre pour qualifier les bombardements à Gaza n’est quasiment jamais utilisé par les médias français, hormis à gauche. Les Gazaouis ne meurent que dans des « ruptures de trêve » ou des « reprises de bombardements », toujours justifiées par l’armée israélienne. Et le vrai risque, c’est la mise en danger des otages. Israéliens, bien entendu.
Mardi 18 mars 2025, plus de 400 personnes, femmes, enfants et hommes gazaouis meurent dans une attaque nocturne de l’armée israélienne à Gaza.
La mort de ces quelque 400 personnes, pour plus d’un tiers de femmes et d’enfants, fait à peine la Une des médias français. Pire, ce massacre – le terme lui-même n’est jamais utilisé, à une exception près – ne constitue pas le cœur de l’information. Les médias privilégient quasi unanimement l’angle de « la fin de la trêve » et « la mise en danger des otages » israéliens, plutôt que la mort de gazaouis devenue routine.
Ce 18 mars donc, Jérôme Cadet ouvre le journal de 13h de France Inter sur une nouvelle qu’il juge prioritaire : le constructeur chinois BYD annonce une recharge prochaine des véhicules électriques en cinq minutes, « aussi rapide qu’un plein d’essence ». Cette promesse s’accompagne de « peu de détails », subsistent de « nombreuses inconnues », peu importe : le sujet précède la situation à Gaza dans la hiérarchie de l’information de la radio la plus écoutée de France.
Le soir même, dans le journal de 19h d’« Inter », Hélène Fily nous fait patienter presque six minutes avant d’aborder les bombardements sur Gaza. Leur est préféré un long développement sur le coup de fil entre Trump et Poutine. Là encore, on n’apprend rien, mais le choix est fait de ne pas titrer sur Gaza.
Le lendemain, on sait désormais que l’armée israélienne a tué plus de 180 enfants, plus d’une centaine de femmes et de personnes âgées, mais le journal de la matinale de France Inter à 7h30 choisit d’ouvrir sur le « narcotrafic » en milieu rural dans le Périgord ; Gaza n’est abordé qu’en cinquième position. Au journal de 13h, Gaza ne sera même pas abordé : il faut laisser de la place pour évoquer Blanche-neige, le dernier Wald Disney. (...)
C’est dans une catastrophe telle que ce massacre que la couverture médiatique apparait dans sa plus odieuse indécence. Non contents de n’accorder que peu de place dans la hiérarchie de l’information à la mort, en une seule nuit, de centaines de Palestiniens tués par l’armée israélienne, à la souffrance des familles et à la terreur des vivants, les médias cadrent l’information du point de vue de la société israélienne.
Dans les journaux de France Inter et France Culture, Thibault Lefèvre redouble les reportages en Israël, en interrogeant manifestants et familles d’otages (...)
Dans la presse, seul le journal L’Humanité ose employer le terme « massacre ». Le 18 mars, à 13h42, le quotidien fondé par Jean Jaurès titre : Gaza : Benyamin Netanyahou et Donald Trump relancent le massacre, quitte à « enflammer la région ». Le lendemain, la Une du journal présente une photo pleine page d’un homme affolé, en sang, portant dans les bras un enfant encore en pyjama, avec ce titre : « Gaza, le supplice sans fin ».
Le choix n’est pas le même dans Le Figaro, qui tourne en boucle en ressassant toujours le même thème de la confrontation avec l’Algérie, ou dans La Croix, qui juge le « deal » entre Trump et Poutine plus photogénique.
Le Monde et Libération font le même choix, celui de titrer en Une sur la fin de la trêve. Ce sera « Gaza, la trêve anéantie » pour Libération et, plus sobre, « Netanyahou rompt la trêve avec le Hamas » pour Lehttps://fr.kiosko.net/fr/2025-03-19...Monde. (...)
Le choix des mots, le choix du camp
Le traitement médiatique de ce massacre commis par l’armée israélienne illustre dramatiquement le « deux poids deux mesures » des médias français, ainsi que les conséquences de l’absence de correspondants à Gaza, ce dont semblent très bien s’accommoder les médias français. Alors que les bombes s’accumulent sur l’enclave et que les familles palestiniennes pleurent leurs morts, le seul angle possible pour les correspondants en Israël est d’interviewer manifestants israéliens, familles d’otages et représentants de l’État. Et de relayer communiqués et annonces de l’armée et du gouvernement d’extrême-droite au pouvoir dans la supposée seule démocratie du Moyen-Orient. Quitte à justifier et apporter sa caution aux massacres.
Depuis le 18 mars, Le Monde et la plupart des médias français n’ont jamais utilisé le terme de massacre pour la situation à Gaza. Ils ont pourtant su le faire pour Boutcha, en Ukraine, où le décompte des morts est pourtant « incertain » (...)
Depuis le 18 mars, l’armée israélienne tire sur les ambulances, les écoles, les hôpitaux de fortune, affame et surtout assoiffe la population de Gaza. Elle a continué de massacrer plus de 1 200 Gazaouis. Depuis le 7 octobre 2023, plus de 50 000 Palestiniens, dont plus de la moitié de femmes et d’enfants, sont officiellement morts à Gaza sous les balles, les bombes et les tirs de drones des militaires israéliens ; des milliers de corps sont en putréfaction sous les décombres, et plus de 100 000 Gazaouis sont blessés et estropiés.
Et cela va continuer, sans que les médias français ne veuillent y mettre les mots.
Leur indécence et leur complicité sont notre honte.