
Les sénateurs doivent débattre jeudi d’une proposition de loi visant à interdire les mariages lorsque l’un des deux époux se trouve en situation irrégulière en France. Hasard du calendrier, le maire de Béziers Robert Ménard comparaissait deux jours plus tôt devant le tribunal judiciaire de Montpellier, pour avoir refusé, en juillet 2023, de marier une Française à un Algérien sous OQTF.
(...) Le texte a déjà reçu le soutien du ministre de la Justice Gérald Darmanin. "Nous donnerons, sous l’autorité de Monsieur le Premier ministre, un avis favorable à ce texte", a-t-il déclaré le 12 février pendant la séance de questions d’actualité au gouvernement à l’Assemblée nationale. (...)
Pourtant, le texte, même s’il était adopté au Sénat, aurait toutes les chances d’être censuré par le Conseil constitutionnel. En 2003, le Conseil avait rappelé que la liberté du mariage, était une "composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789", et s’opposait donc "à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé". (...)
Gérald Darmanin a appelé les Sénateurs à trouver une voie pour contourner cette probable censure constitutionnelle. (...)
À Montpellier, Robert Ménard est poursuivi pour avoir refusé de procéder à la célébration du mariage d’Eva et de son compagnon. À sa sortie du tribunal, mardi, il a indiqué avoir "refusé de plaider coupable". "Le procureur m’a annoncé que je me retrouverai devant le tribunal correctionnel. Je ne suis coupable de rien, responsable de rien", a-t-il ajouté face à la presse.
Dans cette affaire, l’édile d’extrême droite a obtenu le soutien de nombreux politiques, y compris du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau et de la présidente de la région Ile-de-France et ancienne candidate à l’élection présidentielle Valérie Pécresse.
Eva, elle, se dit "soulagée" de cette décision du procureur. "Si on passe en correctionnel, ça signifie que M. Ménard a refusé la peine proposée par le procureur et donc que celui-ci a reconnu ce qui nous a été fait", a-t-elle confié à InfoMigrants.
Expulsion précipitée (...)
"Ça faisait six mois et demi qu’on vivait ensemble. Pour moi qui avais déjà des enfants, ça voulait vraiment dire quelque chose [...] On voulait avoir une vie comme tout le monde, pour que lui puisse bosser et moi reprendre des études", raconte la jeune femme.
Après enquête, leur union est autorisée par le procureur de la république de Béziers. Mais le 5 juillet, Robert Ménard annonce dans Le Figaro qu’il ne compte pas marier les fiancés. Le jour du mariage, les portes de la mairie se ferment devant eux et l’alarme retentit. "À ce moment-là, on a l’impression qu’on est dans un mauvais film. Ça a été traumatisant", se souvient Eva.
Deux semaines plus tard, Mustapha est expulsé vers l’Algérie. Eva accuse le battage médiatique provoqué par l’édile d’avoir précipité cette expulsion.
L’avocate du couple a saisi la justice pour dénoncer une expulsion illégale. Elle soutient que son client n’a vu ni avocat ni juge avant d’être placé dans un avion. Le tribunal administratif se prononcera sur ce volet vendredi 21 février (...)