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Mediapart
Marche des fiertés : grâce à Valérie Pécresse, le RN obtient le retrait de toute aide financière à l’Inter-LGBT
#LGBT #marchedesFiertes #ValeriePecresse #extremedroite
Article mis en ligne le 22 juin 2025
dernière modification le 20 juin 2025

Après avoir retiré 25 000 euros de subventions à la suite de la polémique sur l’affiche de l’Inter-LGBT annonçant la marche des fiertés à Paris, la présidente de la région Île-de-France a supprimé une autre subvention d’un même montant après le dépôt d’un amendement RN.

Valérie Pécresse s’acharne. Après la publication de l’affiche annonçant la marche des fiertés prévue à Paris le 28 juin, plusieurs associations avaient critiqué le choix graphique de l’Inter-LGBT, chargée de l’organisation de la pride. Ce dessin suscitait de nombreuses critiques, notamment parce qu’il présentait un individu, symbolisant l’extrême droite, étourdi et tenu par une cravate.

D’autres, à l’instar d’élus et de médias de droite et d’extrême droite, dénonçaient la présence d’un drapeau palestinien, d’une femme portant le voile et du mot d’ordre 2025 dénonçant « l’internationale réactionnaire ».

La présidente Les Républicains (LR) de la région Île-de-France, elle, était allée encore plus loin en annonçant retirer 25 000 euros de subventions promis à l’Inter-LGBT. « La région Île-de-France, qui contribue à la sécurisation de la marche, refuse d’être associée à cette affiche qui incite à la violence avec son cadavre renversé ! Nous refusons tout message qui peut inciter à des débordements de haine », avait-elle justifié, quitte à mettre en péril l’organisation de la marche. (...)

Jeudi 19 juin, la présidente de la région, connue pour s’être régulièrement mobilisée contre les droits LGBTQI+ par le passé, a de nouveau ciblé l’association. Comme l’avait révélé Mediapart, la région avait une dette puisqu’elle n’avait jamais versé, par erreur, une ancienne subvention de 25 000 euros concernant le financement de la pride 2023. Jeudi, le Rassemblement national (RN) a déposé un amendement pour supprimer purement et simplement ce versement.

Et contre toute attente, Valérie Pécresse l’a finalement validé. (...)

Assumer et mentir

Auprès de Mediapart, le cabinet de Valérie Pécresse assume. « Vu le litige avec l’Inter-LGBT pour non-respect de leur obligation contractuelle, toutes les subventions en cours sont suspendues », précise-t-il. Et si ce vote répond favorablement à la volonté du Rassemblement national, l’entourage de l’élue jure qu’elle avait pris sa décision avant le groupe d’extrême droite : « Le RN est arrivé après la bataille. »

En commission jeudi, l’ex-candidate LR à la présidentielle a expliqué que l’affiche aurait dû être validée en amont et a estimé que la région n’était « ni un paillasson » ni un « tiroir-caisse ». « Une affiche qui incite à la violence avec le cadavre d’un homme blanc pendu, pendu par sa cravate », s’est-elle emportée en affirmant, à tort, que c’est ce « que reconnaissent les organisateurs eux-mêmes ».

Comme l’avait expliqué Tola Vart, autrice du dessin à Mediapart, il ne s’agissait ni d’un homme blanc ni d’un cadavre. « La personne a des yeux qui tournent pour dire qu’elle est choquée, pas qu’elle est pendue. La cravate est largement desserrée pour bien montrer qu’elle n’est pas étranglée », décryptait l’artiste.

Devant les élu·es de la région, Valérie Pécresse a expliqué avoir décidé de supprimer cette ancienne subvention avant l’amendement du RN, lors d’une rencontre avec les associations qui s’est tenue « il y a deux semaines ». (...)

Selon plusieurs témoins présents à cette réunion, Valérie Pécresse avait désapprouvé la « violence » de l’affiche, mais n’avait jamais évoqué le retrait des subventions. « Son directeur de cabinet s’était même engagé à l’issue de cette réunion en confirmant qu’il n’y aurait pas de répercussion financière », affirme Clara Privé, vice-présidente de l’Inter-LGBT.

Sa décision est intervenue seulement lorsque les médias d’extrême droite – Frontières, Valeurs actuelles, CNews… – se sont emparés du sujet. Valérie Pécresse a d’ailleurs écrit directement à deux chroniqueuses de CNews, Céline Pina et Christine Kelly, pour leur annoncer qu’elle retirait les subventions de la région.

Des entreprises s’en vont en toute discrétion

Selon nos informations, plusieurs entreprises ont décidé d’imiter la région. En plus de PayPal, qui a retiré 10 000 euros, et la RATP, qui a retiré son soutien, Air France, Henkel et Accor ont aussi pris leur distance. Accor, via sa structure Together, a retiré les 13 000 euros qu’il s’était engagé à verser. (...)

Depuis, l’Inter-LGBT a été contrainte de lancer une cagnotte en ligne qui a, à ce jour, permis de récolter 20 000 euros. « Notre perte financière est estimée à 75 000 euros, alors que le coût du podium final est de 100 000 euros, annonce Clara Privé. On peut dire que Valérie Pécresse a tué le projet festif final de la pride. » Selon nos informations, la scène musicale de 100 mètres carrés prévue à l’issue de la marche, place de la Nation, ne sera donc pas maintenue et devrait être remplacée par une structure bien moins ambitieuse.

« Pas besoin d’aller jusqu’en Hongrie chez M. Orbàn pour constater que la droite s’acharne contre l’égalité des droits ! », a réagi le sénateur communiste de Paris Ian Brossat. (...)

« C’est extrêmement choquant d’annuler une subvention attribuée en 2023 pour un motif politique de 2025, fustige Clara Privé, annonçant vouloir entamer des recours juridiques. C’est un grave précédent, notamment pour les associations qui sont massivement financées par des subventions publiques. » Et d’interroger : « Si on ose s’attaquer à l’Inter-LGBT qui organise la marche des fiertés depuis des décennies, que va-t-on faire aux plus petites associations ? »